Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/567

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Commune, mais il n’a formulé aucune conclusion, donné aucune impulsion. L’Évêché n’a pas su lancer contre la faction girondine siégeant à la Convention l’essaim bourdonnant des sections, et celui-ci tourbillonne dans l’air splendide, comme s’il se jouait à la beauté de la lumière et oubliait son aiguillon ! La journée est perdue, elle est un triomphe pour l’ennemi si Lhuillier, avec la force légale qu’il tient de son mandat, avec la force révolutionnaire que lui communiquent les délégués des sections dont il est entouré, ne rétablit pas le combat. Il va à la Convention d’une allure décidée et presque agressive, et une partie du peuple, qui n’attend qu’un signal de force et de résolution, se joint à lui, entre sur ses pas dans la salle des séances.

Que fait Lhuillier ? En un discours véhément et habile, il essaie tout ensemble de ranimer les colères de Paris contre Isnard et la Gironde, et de rassurer tous ceux qui pouvaient redouter pour la propriété, pour le charme et la joie de la vie, les violences ou les austérités de la Commune et de la Montagne. Et il frappe la Gironde de coups vigoureux et directs :

« Législateurs, depuis trop longtemps la ville et le département de Paris sont calomniés aux yeux de l’univers ; depuis trop longtemps on cherche par les moyens les plus atrocement coupables, à fomenter le trouble et la division dans la République. Les mêmes hommes qui ont voulu perdre Paris dans l’opinion publique, sont les fauteurs des massacres de Vendée ; ce sont eux qui flattent et soutiennent les espérances de nos ennemis ; ce sont eux qui avilissent les autorités constituées, qui cherchent à égarer le peuple pour acquérir le droit de s’en plaindre ; ce sont eux qui vous dénoncent des complots imaginaires pour en créer de réels ; ce sont eux qui vous ont demandé le Comité des Douze pour opprimer la liberté du peuple ; ce sont eux enfin qui par une fermentation criminelle, par des adresses combatives, entretiennent les haines et les divisions dans votre sein, et privent la patrie du plus grand des bienfaits, d’une bonne Constitution qu’il a achetée par tant de sacrifices.

« Législateurs, ces hommes en veulent à la liberté du peuple, ils veulent l’asservir pour eux-mêmes ou le livrer à un nouveau despote. (On applaudit.) Mais pour y parvenir, ils cherchent à le diviser, et c’est pour atteindre ce comble des forfaits qu’ils tentent d’anéantir Paris. Ils savent parfaitement qu’en détruisant ce centre de lumières et de correspondance ils anéantiraient la force et l’harmonie de la République, et qu’ensuite, faute de communications, ils détruiraient facilement un département par un autre, et vendraient ainsi au premier tyran les lambeaux sanglants de la patrie.

« Il est temps de terminer cette lutte des patriotes contre les forcenés qui les assiègent continuellement ; la raison du peuple s’irrite de tant de résistance ; que ses ennemis tremblent, sa colère majestueuse est près d’éclater ! Qu’ils tremblent ! l’univers frémira de sa vengeance.

« Législateurs, nous venons démasquer l’impudence et confondre l’im-