Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/566

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Qu’avait fait Lhuillier depuis le matin ? Sa pensée et celle des révolutionnaires jacobins groupés autour de lui paraît avoir traversé trois moments : d’abord hostile aux initiatives de l’Évêché, puis s’y ralliant quand le son du canon d’alarme semble annoncer un effort décisif de l’insurrection, il se décide enfin à prendre le mouvement à son compte quand l’impuissance de l’Évêché apparaît. Si je ne me trompe, l’arrêté communiqué à la Commune par le département, assez avant dans l’après-midi, porte la marque de deux délibérations successives :

« On donne lecture d’un arrêté pris dans l’assemblée des commissaires, des autorités constituées du département et des quarante-huit sections réunies en la salle de la Société des amis de la liberté et de l’égalité, séante aux ci-devant Jacobins.

« Cet arrêté, en date de ce jour, porte qu’il sera nommé une commission de onze membres, que cette commission sera autorisée à prendre toutes les mesures de salut public qu’elle jugera nécessaires, et à les mettre directement à exécution, que les municipalités des deux districts ruraux et les comités révolutionnaires des quarante-huit sections seront tenus d’exécuter les arrêtés qu’elle aura pris, et les mesures qu’elle aura adoptées, que les arrêtés de cette commission ne seront exécutés qu’autant qu’ils auront été pris à la majorité absolue des suffrages. »

Voilà, à mon sens, un premier arrêté ; c’est la période où la réunion des jacobins s’organise comme si elle était la seule force régulière de la Révolution, où elle affecte d’ignorer les décisions de l’Évêché, et où elle oppose à la commission des onze nommée par celui-ci une commission des onze qui seule a mandat. J’observe que, tandis que la Commune a accepté l’annulation prononcée par le comité révolutionnaire, l’arrêté du département ne contient aucune allusion aux décrets de dissolution et de réinvestiture signés de Varlet ; c’est bien comme puissance autonome qu’agit le département.

Mais quand le département apprend que la Commune et les sections révolutionnaires se sont en quelque sorte fondues en un pouvoir révolutionnaire unique, quand le tocsin, propagé de clocher en clocher, éveille enfin le canon d’alarme, Lhuillier se rattache au mouvement :

« Par ce même arrêté (et cette formule même révèle bien que c’est une addition) l’assemblée déclare qu’elle approuve, et donne son adhésion la plus entière à la conduite et aux mesures de salut public adoptées par le Conseil général et les commissaires des sections de Paris, et que la même commission qu’elle vient de nommer ira porter à l’instant au Conseil général de la Commune ses sentiments d’union et de fraternité, qu’elle y tiendra sa séance et qu’elle travaillera en commun au salut public et à l’affermissement de la liberté et de l’égalité. »

Mais quoi ! de ce mouvement de la Commune et de l’Évêché rien ne sort ! Le maire a courageusement avoué l’acte révolutionnaire qui transformait la