Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/580

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tous les citoyens suspects seront désarmés, et leurs armes remises aux patriotes qui n’en ont pas », si ces patriotes ne sont pas admis à s’en servir, s’ils ne peuvent arracher à la Convention, par la menace, la mise en jugement des traîtres ? Qu’importe encore que le Conseil décide « que l’emprunt forcé sera requis conformément au mode précédemment indiqué par la Commune ; que le produit de cet emprunt sera employé en secours pour les veuves, pères, mères, épouses et enfants des soldats citoyens qui servent la patrie dans nos armées, ainsi qu’à la fabrication d’armes et à la paie des citoyens qui formeront la garde soldée révolutionnaire de Paris » ?

Oui, qu’importe tout cela ? C’est le mensonge d’une philanthropie dilatoire qui ruse avec le devoir présent, le devoir révolutionnaire. La Commune, en s’agitant ainsi dans le vide, ne donne le change à personne et va se déconsidérer. C’est cette minute que choisit Jacques Roux pour reparaître avec le projet d’une nouvelle adresse à la Convention ; sans aucun doute une adresse politico-sociale, où la question du droit à la vie était posée de nouveau.

Le prêtre têtu savourait sans doute l’humiliation de la Commune impuissante et son embarras, il éprouvait une joie orgueilleuse et âpre à répéter ses formules devant son adversaire d’hier affaibli et abaissé, comme il eût récité auprès d’un agonisant des litanies amères, toutes pleines de la saveur de la mort. Et l’assaut contre la Commune officielle redoublait.

« Un jeune citoyen monte à la tribune et propose les mesures les plus violentes. Le Conseil invite ce jeune imprudent à se retirer. Il s’obstine à vouloir parler ; mais enfin, cédant aux observations du ci-devant président Dobsent, et repoussé par l’indignation que lui manifeste le Conseil, il se retire de la tribune. »

Cependant, les délégués des communes voisines de Bercy, de Sèvres, de Drency, du Bourget viennent promettre de s’associer au mouvement de Paris. Lequel, si Paris reste couché ? Aussi les motions décisives se renouvellent. « Un membre demande que les membres de la Convention, dénoncés à l’opinion publique, soient mis en arrestation. » Si ce n’était pas le programme de la journée, quel sens avait-elle donc ? Et comment le Conseil de la Commune pourra-t-il désavouer ce que tout à l’heure, au nom de toutes les autorités constituées de Paris et du département, demandait Lhuillier, ce que demandait aussi Robespierre ? Mais Chaumette a perdu pied.

« Le procureur de la Commune s’élève avec indignation contre cette proposition représentée pour la troisième fois. Il dit que si quelqu’un ose encore la renouveler, il le dénoncera à ce même peuple qui applaudit sans savoir qu’il applaudit à sa ruine. »

La Commune va-t-elle donc se jeter entre la Révolution et la Gironde ? Va-t-elle couvrir celle-ci ? Un moment on put le croire, tant elle paraissait fléchir sous le poids de cette journée, dont le vide était accablant.