Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/596

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Louvet insista avec force pour que tous quittassent Paris ; mais il ne put entraîner toute la Gironde.

« Désormais, disait-il, nous ne ferions plus rien à la Convention, où la Montagne et les tribunes ne nous permettraient plus de dire un mot, rien qu’animer les espérances des conjurés, charmés d’y pouvoir saisir d’un seul coup toute leur proie. Il n’y aurait non plus rien à faire à Paris, dominé par la terreur qu’inspiraient les conjurés, maîtres de la force armée et des autorités constituées ; ce n’était plus que l’insurrection départementale qui pouvait sauver la France. Nous devions chercher quelque asile sûr pour cette soirée, et demain et les jours suivants partir les uns après les autres, usant de nos différents moyens, et nous réunir soit à Bordeaux, soit dans le Calvados, si les insurgés, qui déjà s’y montraient, prenaient une attitude imposante. Surtout il fallait éviter de demeurer en otage entre les mains de la Montagne, il fallait ne pas retourner à l’Assemblée.

« Que ne m’avez-vous cru. Brissot, Vergniaud, Gensonné, Mainvielle, Valazé, Ducos, Duprat. Fonfrède, vous tous, honorables victimes que la postérité vengera ! Peut-être tous ensemble n’aurions-nous pas réussi davantage à réveiller dans les cœurs l’ardent amour de la patrie, la haine vigoureuse due à l’oppression, mais du moins je n’aurais point à gémir aujourd’hui sur votre chute prématurée. »

Pendant que les Girondins se perdaient ainsi dans l’incertitude de leurs pensées, l’adversaire frappait les coups décisifs. Précisément Paris venait d’apprendre qu’à Lyon, dans la journée du 29 mai, les sections modérées et bourgeoises avaient livré bataille à la municipalité jacobine, et celle-ci était vaincue. Chalier était dans un cachot. Or quelques-uns de ceux qui transmettaient ces redoutables nouvelles avaient beau en atténuer le caractère, ils avaient beau dire que les sections s’étaient levées au cri de : Vive la République ! même l’ambiguïté des correspondances de Gauthier et de Nioche, qui n’osaient pas approfondir tout le danger, ne parvenait pas à donner le change aux révolutionnaires de la Commune et de l’Évêché. Ils comprenaient très bien qu’à Lyon la contre-révolution était victorieuse, et qu’eux-mêmes allaient être enveloppés dans la contagion de ce mouvement, s’ils ne frappaient pas ce jour même le coup suprême sur l’ennemi. Jean-Bon Saint-André signala le péril à la Convention en quelques paroles décisives que Marat a notées.

« Vous venez d’apprendre des nouvelles fâcheuses du département de la Lozère. L’aristocratie, dans cette contrée, ose lever un front menaçant ; des mouvements contre-révolutionnaires se manifestent dans plusieurs parties des départements méridionaux. À Lyon, les contre-révolutionnaires triomphent, les patriotes ont été massacrés. Les troubles de la Lozère doivent d’autant plus fixer votre sollicitude que par le département du Cantal, les re-