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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/597

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belles de la Lozère peuvent se réunir à ceux du département de Rhône-et-Loire. »

C’était comme un bloc énorme de contre-révolution, où le dur fanatisme cévenol avait pour noyau ardent la fervente réaction lyonnaise. Oui, il fallait en finir. Encore quelques jours, et les sections bourgeoises de Paris, animées par cet exemple, pouvaient tenter d’accabler la Commune et la Montagne.

Henriot, cette fois, avait pris ses dispositions mieux qu’au 31 mai. Il ne se fiait plus à la spontanéité incertaine et contradictoire du peuple. Il avait massé autour de la Convention des bataillons soigneusement choisis par lui, cinq à six mille révolutionnaires décidés. Au delà, le reste du peuple n’était plus qu’une foule, qui ne serait rattachée aux événements que par une chaîne de rumeurs flottantes. Aussi, quand les pétitionnaires de la Commune vinrent demander l’arrestation des vingt-deux, on chercha bien à amortir le coup, mais presque personne ne songea à l’éluder. Des cris menaçants partaient des tribunes. L’appel aux armes retentissait.

« Sauvez le peuple de lui-même, s’écria Richou ; sauvez vos collègues, décrétez leur arrestation provisoire. »

Provisoire ? C’était avouer qu’on ne cédait qu’à la force brutale du peuple. C’était proclamer que sans doute l’innocence des députés dénoncés serait reconnue quand les menaces de la foule se seraient dissipées. La Montagne s’indigna de cette combinaison. Levasseur protesta avec véhémence contre « le lâche tempérament proposé par le Marais ».

« J’ai toujours été partisan des mesures énergiques, sans approuver les violences inutiles et j’ai toujours eu horreur du sang inutilement répandu, aussi me trouvai-je en cette journée décisive dans une triste alternative. Prononcer le décret d’accusation contre mes collègues, c’était les envoyer à la mort ; les déclarer innocents, c’était à la fois mentir à ma conscience et perdre le succès d’une journée qui pouvait nous sauver. Le lâche terme moyen du Marais était la plus mauvaise mesure possible, car, en déclarant implicitement les accusés innocents, elle rendait nulle une insurrection qui devait porter ses fruits, et en même temps elle livrait à la fureur populaire des hommes dont nous étions loin de désirer la mort ; d’ailleurs elle déshonorerait la Convention, en constatant en quelque sorte que nous avions cédé à la peur et à l’oppression. »

Et Levasseur demande l’arrestation immédiate des vingt-deux et de la Commission des Douze. Dans la Convention muette deux protestations seulement s’élèvent, celles de Barbaroux et de Linjuinais. Eux, ils ne veulent pas plier. Lanjuinais, comme s’il pouvait encore être accusateur, dénonce l’autorité usurpatrice de la Commune. Barbaroux défend contre le rapport de Moïse Bayle et de Boisset les sections marseillaises. Mais voici que, par Barère, le Comité de salut public vient proposer une solution équivoque, précisément celle du Marais.