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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/643

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des paysans et des ouvriers ; non seulement il livrera de bonne heure aux maîtres de la production toute la main-d’œuvre, mais il ne continuera pas sur la profession le contrôle exercé par lui sur la période première de l’éducation. Au sortir de ce communisme passager de l’institution publique les enfants retrouvent les lois de la concurrence illimitée et de l’individualisme bourgeois.

Lepelletier, non par calcul, mais parce que lui-même n’avait pas su faire remonter son communisme « de la base au sommet », ménageait et se conciliait tous les instincts de lutte et d’indépendance combative de la bourgeoisie fabricante et traficante.

Dans la sphère même de l’éducation commune, ses prétentions sont modestes. Il veut un programme d’instruction un peu plus étendu que celui que propose le Comité pour les écoles primaires, mais très mesuré encore, et qui ne peut en aucune manière « déclasser » les enfants du peuple, leur donner le sens et le besoin impérieux d’une vie supérieure.

Enfin, à la façon dont il comprend le fonctionnement de ces vastes internats nationaux groupant chacun quatre à cinq cents enfants, il réduit au minimum la difficulté financière qu’on pouvait lui opposer. L’installation sera peu coûteuse, se faisant le plus souvent dans des demeures incorporées déjà au domaine public. Le régime sera, non par économie sordide, mais par un souci intelligent de la santé, très frugal et très sobre (peut-être plus sobre que ne le permettent nos climats).

« À l’égard de la nourriture, les aliments les plus simples et les plus communs, à raison de leur abondance, seront préférés. Il sera fait un état de ceux qui conviennent à la santé des enfants, et dans le nombre déterminé, on choisira toujours celui que le climat et la saison offrent à moins de frais. Je crois que le vin et la viande en doivent être exclus ; l’usage n’en est point nécessaire à l’enfance, et pour vous présenter un aperçu de l’utile parcimonie qu’on peut apporter dans les frais de nourriture des jeunes élèves, je vous citerai un fait que tous les journaux du temps ont publié :

« Dans le grand hiver de 1788, le curé de Sainte-Marguerite à Paris employa avec le plus grand succès une recette composée d’un mélange de plusieurs espèces d’aliments ; il fit vivre fort sainement une multitude immense de malheureux, et la portion d’un homme fait n’allait pas à trois sous par jour. »

Or, dans les écoles communes, le produit du travail des enfants, si minime qu’il soit, viendra encore en atténuation des dépenses. Il est vrai qu’on ne spécialisera pas les enfants dans un travail déterminé ; ce serait le déformer, ce serait manquer l’objet de l’institution publique qui est, non pas de vouer d’avance l’enfant à telle ou telle profession, mais de le préparer à être capable de toutes.

Et Lepelletier demande aux plus beaux génies scientifiques du siècle d’imaginer des modes de travail qui aient une valeur éducative générale. Mais enfin