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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/732

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conceptions admirables qui font le bonheur et la gloire de l’espèce humaine. »

Ainsi, avant la chute de la Gironde, la Convention avait produit, en tous sens, une merveilleuse abondance d’idées et de systèmes. Elle avait de même, dans l’ordre pratique, marqué les directions essentielles. Elle avait, par un décret du 24 août, pris des précautions contre les abus et les fraudes qui se commettaient dans la vente des biens nationaux ; contre les ventes de mobiliers faites sans contrôle et sans publicité ; contre les violences et les injures qui troublaient les enchères et les livraient à la merci d’acheteurs audacieux ; contre les manœuvres tendant à écarter les concurrents ou par la menace ou par des offres d’argent ; contre la complaisance et l’avidité des administrateurs locaux qui abusaient de leur autorité pour s’emparer à vil prix des maisons, des meubles, des terres ; contre les communes qui, sans autorisation expresse de la Convention, achetaient, ouvertement ou sous des noms supposés, des biens d’émigrés sur lesquels les administrateurs mettaient ensuite la main à des conditions trop favorables pour eux et hors de toute concurrence ; contre « les associations de tous ou de partie considérable des habitants d’une commune pour acheter les biens mis en vente, et en faire ensuite répartition ou division entre les dits habitants ».

Il sera possible maintenant, quand la Convention aura échappé aux luttes de factions qui la paralysent, de reprendre, avec des garanties nouvelles, la vente des biens nationaux, de pousser notamment la vente des biens d’émigrés. De même, malgré l’opposition des Girondins et sous le coup de la nécessité, la Convention a adopté la taxe des grains et commencé ainsi à appliquer le maximum. Elle a encore, malgré la Gironde et sous le coup de la nécessité, voté le 20 mai le principe de l’emprunt forcé d’un milliard sur les riches. Enfin, elle a abouti, en avril, à formuler et à discuter ce difficile projet sur le partage des biens communaux qui était en suspens depuis le 10 août. C’était une grande question.

Le rapport de Fabre de l’Hérault (8 avril 1793) évalue à 8 millions d’arpents et à une valeur de 600 millions l’ensemble des biens communaux. À quel régime les soumettre ? Parfois, ceux des socialistes qui croient que la réhabilitation de l’ancien régime est un moyen de critiquer la société bourgeoise, ont prétendu que par le partage des communaux, par le morcellement de ce bien commun en propriétés individuelles, la Révolution avait dépouillé les pauvres. En fait, le régime auquel les communaux étaient soumis était absolument oligarchique : chacun des habitants de la commune en jouissait à proportion de l’étendue de son domaine particulier, de la richesse de ses troupeaux ; ainsi c’étaient les riches, seuls ou presque seuls, qui en bénéficiaient. Il y avait même des communes, où les notables, « les bourgeois » prétendaient avoir seuls le droit à l’usage des biens communaux ; et cette aristocratie bourgeoise prétendait en exclure ceux que, à l’imitation de l’aristocratie seigneuriale, elle appelait « les manants ».