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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/734

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s’éteignent-elles ? Depuis quand aurions-nous le droit de nous déclarer les héritiers des générations qui n’existent pas encore ?

« … Le premier devoir des bons gouvernements, c’est de chercher à calmer la misère du peuple, à substituer à l’humiliante ressource de la mendicité le travail et l’amour du travail. Et quel plus puissant moyen d’atteindre ce but que de laisser perpétuellement dans la société un immense fonds de terre à cultiver, qui appelle continuellement les bras du pauvre, qui dissémine l’indigence et qui lui offre, sur tous les points de la République, une ressource féconde à ses besoins ; qui tend insensiblement à enlever aux arts, corrupteurs du luxe, des bras que la culture réclame sans cesse, des hommes dont le rassemblement dans les vastes séjours de la corruption et du luxe peut, à chaque instant, inquiéter la tranquillité publique, et servir des projets d’ambition ou de tyrannie ?

« … N’entendez-vous pas déjà la voix perfide des ambitieux et des tyrans caressant sans cesse la multitude, la couvrant sans cesse de leurs basses flatteries ; sans cesse l’irritant contre cette classe paisible de citoyens qui ne doit sa fortune qu’à son industrie et à son travail, sa fortune qui seule fait la richesse de l’État et la ressource du pauvre ; sans cesse la présentant à celui-ci comme son véritable patrimoine, pour lui inspirer le désir sacrilège de le reprendre par la force… Arrêtez leurs progrès en diminuant leurs moyens de fortune, en affranchissant d’eux le pauvre, en le disséminant sur tous les points de la République. »

C’est donc par une sorte de manœuvre conservatrice, et pour dériver, pour diviser les courants de misère et de révolte que Souhait entend maintenir la propriété communale. Elle n’est point liée par lui à un plan de libération définitive des hommes, mais au contraire à la perpétuité certaine et inévitable de la misère :

« Portons nos regards non pas seulement sur la pauvreté qui nous entoure, sur la pauvreté de 1793, mais sur celle de tous les siècles ; conservons-lui le patrimoine sacré que lui ont légué nos ancêtre ». »

Et si Souhait veut que les pauvres n’aient que l’usufruit des biens communaux, ce n’est pas pour substituer pour tous les citoyens à toute la propriété individuelle et privilégiée du sol un usufruit qui sauvegarde le droit social de tous ; non, c’est parce que les pauvres peuvent se contenter d’un usufruit et ne pas prétendre à cette pleine propriété qui reste d’ailleurs l’idéal des citoyens : les biens communaux ne sont pas dans sa pensée un premier degré vers un communisme plus haut et plus vaste ; ils sont une diminution de la propriété, mais une diminution qui préserve les pauvres de la chute totale dans la misère, le désespoir et l’esprit de révolte :

« Remarquez qu’ils ne vous en demandent pas davantage. Quand le pauvre réclame du pain et du travail, il n’exige pas la propriété ou des biens qui produisent ce pain, ou des matières premières qu’il lui faut mettre en