Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/763

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« On n’a pas toujours aboli la royauté pour avoir conduit un roi à l’échafaud. On n’a pas toujours écrasé la tyrannie pour avoir écrasé une faction contre-révolutionnaire. L’histoire nous apprend que les Romains, après s’être soustraits au joug de la monarchie, ne tardèrent pas à gémir sous le joug des sénateurs. Le despotisme le plus brutal est celui qui se propage dans les gouvernements de plusieurs, et, quelque hommage que je rende à la Révolution, il n’est guère possible d’éprouver sous le règne le plus barbare tant de persécutions à la fois.

« Après avoir déployé, j’ose le dire, autant de caractère, les ennemis de la patrie assouvissent sur moi leur rage et leur fureur, ils se sont servis de moi pour éclairer l’opinion publique, aujourd’hui ils me répudient. La Convention nationale me frappe d’anathème à l’occasion d’une adresse qui méritait à son auteur une couronne civique. Les intrigants se servirent du prétexte de l’opprobre dont je venais d’être couvert pour me faire expulser du club des Cordeliers qui a applaudi mille fois à mes principes. »

Et, persistant à se réclamer de Marat, si brutal pour lui :

« Mais quoi, ajoute-t-il, Marat n’a-t-il pas été persécuté pendant trois législatures ; on peut me frapper aussi ; on peut frapper « un homme qui dit des vérités dures, ne compose jamais avec les principes et ne rend hommage qu’à la vérité… »

« Je poursuivrai les ennemis du peuple avec le même courage que Marat, bien que je sois éloigné d’avoir les lumières de ce grand homme. »

Et toujours, par une pente de son esprit ou par une perfidie haineuse, il glisse la glorification de l’ancien régime opposé par lui à la Révolution. Ce ne sont pas les préfets de police ou les prévôts des marchands de l’ancien régime, ce ne sont pas les Sartines et les Flesselles qui auraient négligé de taxer les denrées ; ce n’est pas sous un roi que Jacques Roux aurait été molesté comme sous la République ! C’était, chez ce prêtre, une étrange et dangereuse manie. Le voilà, pour un temps, réduit à l’impuissance. Il avait rédigé un discours sur « Les causes des malheurs de la République française », et il en avait annoncé la publication à la fin de la brochure qui contenait son adresse à la Convention. Le manuscrit en a été conservé. Roux y insiste encore sur les méfaits de la bourgeoisie révolutionnaire.

« L’ennemi au dehors et au dedans, l’agiotage, l’accaparement, le discrédit du papier-monnaie, les gens de robe et d’épée, les bourgeois ont accaparé les biens du clergé et les domaines nationaux, ils ont accaparé le commerce et, grâce à eux, la Révolution n’a pas donné aux pauvres et aux ouvriers ce qu’ils étaient en droit d’en attendre.

« Frappez de mort les accapareurs ; les lois sont insuffisantes. Le Prussien qui est à nos portes est moins dangereux que ceux qui ne permettent pas par leurs monopoles, leurs accaparements et leurs agiotages à l’ouvrier et à l’artisan de se nourrir. Agioteurs ! avant la prise de la Bastille vous n’étiez