Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/776

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traire, à les retenir ; et il supplie la Commune de se servir de cette force populaire non pour subordonner, non pour violenter ou menacer la Convention, mais pour la protéger au contraire, pour lui donner la confiance invincible qu’elle communiquera à la France et aux armées.

Ainsi, il n’est pas plus le sectaire de la Convention que le sectaire de la Commune : il ne veut pas plus une coterie de salut public qu’une coterie des bureaux de la guerre. La Convention est le centre légal et national de la force et de la pensée révolutionnaires. Quiconque maintenant la menace ou l’affaiblit ou la discrédite est un ennemi public, et refait le crime de la Gironde.

Robespierre ne veut pas plus d’un fédéralisme parisien que d’un fédéralisme départemental. Ceux qui ayant fait le 31 mai pour libérer et unifier la Convention prétendraient maintenant l’asservir et disperser la Révolution, ceux-là déferaient eux-mêmes leur œuvre. Ils seraient des Girondins à rebours, mais des Girondins.

Par la Convention loyalement unie à une Commune ardente, mais respectueuse de la loi, c’est toute la France qui gouverne, qui administre, qui combat. Paris est le foyer le plus vaste, le plus ardent et le plus proche où la Révolution se réchauffe : il n’est pas à lui tout seul la Révolution. La démocratie est donc pour Robespierre à la fois le but et le moyen : le but, puisqu’il tend à rendre possible l’application d’une Constitution en qui la démocratie s’exprime ; le moyen, puisque c’est avec toute la force révolutionnaire nationale, concentrée, mais non mutilée, qu’il veut accabler l’ennemi. Hors de lui, le reste est secte. Ô socialistes, mes compagnons, ne vous scandalisez pas ! Si le socialisme était une secte, si sa victoire devait être une victoire de secte, il devrait porter sur l’histoire un jugement de secte ; il devrait donner sa sympathie aux petits groupements dont les formules semblent le mieux annoncer les siennes, ou à ces factions ardentes qui en poussant presque jusqu’au délire la passion du peuple semblaient rendre intenable le régime que nous voulons abolir. Mais ce n’est pas d’une exaspération sectaire, c’est de la puissante et large évolution de la démocratie que le socialisme sortira ; et voilà pourquoi, à chacun des moments de la Révolution française je me demande : quelle est la politique qui sert le mieux toute la Révolution, toute la démocratie ?

Or, c’est maintenant la politique de Robespierre. Babeuf, le communiste Babeuf, votre maître et le mien, celui qui a fondé en notre pays, non pas seulement la doctrine socialiste, mais surtout la politique socialiste, avait bien pressenti cela dans sa lettre à Coupé de l’Oise ; et voici que quinze mois après la mort de Robespierre, quand Babeuf cherche à étayer son entreprise socialiste, c’est la politique de Robespierre qui lui apparaît comme le seul point d’appui.

À Bodson, à ce Cordelier ardent qui assistait aux séances du club dans la tragique semaine de mars 1794, où l’hébertisme prépara son mouvement