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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/789

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lui cria Bentabole. Mais Robespierre savait bien que l’hébertisme allait faire parler à sa façon le cœur canonisé de Marat et il voulait rompre le sortilège.

Du coup la Gironde est morte : Bordeaux même, après quelques velléités, s’arrête et attend. Le Tarn qui avait ébauché un mouvement fédéraliste et délégué deux membres de la bourgeoisie industrielle de Castres, Mazon et Jaurès, pour protester auprès de la Convention, fut ressaisi en quelques jours par l’active propagande montagnarde. La Constitution fournit aux hésitants, à ceux qui ne voulaient pas prendre parti entre la Gironde et la Montagne, un prétexte à attendre, à ajourner. Or, ces ajournements étaient funestes à la cause girondine. « Acceptons la Constitution » disaient ces hommes indécis. Elle nous permettra de nous débarrasser à la fois des deux factions qui se sont dévorées l’une l’autre, et d’envoyer à une assemblée nouvelle de « nouveaux ouvriers ». Mais, accepter la Constitution, c’était reconnaître la Convention mutilée comme la puissance souveraine. C’était consacrer la proscription de la Gironde. Tout travaillait donc contre celle-ci et la bourgeoisie girondine, prise entre les éléments populaires et la contre-révolution, ne pouvait rien.

Est-ce à dire que tout danger de guerre civile est conjuré ? Non, la Vendée est tous les jours plus redoutable : les troupes catholiques et royales, s’étant emparées de Saumur le 9 juin, agrandissaient soudain leur tactique. Ce n’était plus la guerre dispersée des haies et des hameaux. Les révoltés concentrent leurs forces sous le commandement du saint de l’Anjou, de Cathelineau, et décident d’assiéger Nantes. Ils lancent à la grande ville révolutionnaire une sommation effroyable :

« Ou vous capitulerez, ou la ville de Nantes, lorsqu’elle tombera en notre pouvoir, sera livrée à une exécution militaire, et la garnison passée au fil de l’épée. »

Des milliers d’hommes et de femmes, comme des bandes de loups et de louves, se pressaient pour le pillage et pour la curée. « Allons ! allons ! on passera chez les orfèvres ! » et les yeux luisaient d’un éclat de métal. La cité fut à demie forcée, mais, en un sursaut d’héroïsme et de désespoir, elle rejeta l’assaillant. Hélas ! en ces cités qui ont senti presque au cœur la pointe du couteau, que de furieuses passions s’allument ! que de haines le lendemain ! que de représailles et contre l’ennemi et contre ceux qu’on soupçonne d’avoir été ses complices par complaisance ou par inertie !

Cathelineau blessé à mort va mourir. Mais les Vendéens, rentrés dans le Bocage, prennent avec Lescure et la Rochejacquelein une sinistre revanche. Ils investissent à Châtillon l’armée républicaine, le 11 juillet, et massacrent les soldats gisants et prisonniers. Guerre atroce ! Mais ce n’est pas seulement la révolte de la Vendée qui continue, Lyon et Marseille sont en révolte déclarée contre la Convention. L’assemblée électorale de Marseille déclare qu’elle ne reconnaît plus une assemblée usurpatrice et asservie, et elle nomme deux