Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/799

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représentants des assemblées primaires de France étaient réunis à Paris, précise les applications de ces principes. Les biens du père ne sont pas vraiment sa propriété ; ils sont la propriété de sa famille, ils sont la propriété des générations futures, pour lesquelles intervient la société. Le chef de famille ne sera pas privé absolument du droit de disposer d’une partie de ses biens ; mais cette qualité disponible, cette réserve sera très faible. L’individu ne pourra disposer que d’un dixième de ses biens s’il a des enfants, et d’un sixième, s’il n’a que des collatéraux. Entre tous les enfants légitimes ou naturels, il y aura égalité absolue de partage.

« Nous avons mis au même rang, dit Cambacérès, tous les enfants reconnus par leurs pères ; la bâtardise doit son origine aux erreurs religieuses et aux invasions féodales : il faut donc la bannir d’une législation conforme à la nature. »

Non seulement le père ne peut disposer que d’un dixième, mais il ne peut se servir de cette réserve pour détruire l’égalité entre ses enfants. Ce n’est pas à l’un d’eux qu’il peut donner ce dixième. S’il ne distribue pas toute sa fortune à ses enfants, il ne disposera du dixième qui lui est laissé par la loi qu’au profit ou d’un étranger, ou d’un parent plus éloigné. Ainsi, dans l’intérieur même de la famille, l’inégalité ne glissera pas son venin, et les fortunes seront divisées le plus possible. Bien plus, la quotité disponible (d’un dixième ou d’un sixième) peut être considérable. Si le testateur la donnait toute entière à un seul héritier, qui pourrait recevoir d’autre part d’autres donations importantes, il pourrait se produire des accumulations de fortune que la loi tend à prévenir. La Convention fixe donc un maximum aux donations. Nul ne pourra donner un revenu supérieur à mille quintaux de froment. Le décret du 7 nivôse an II, dira dix mille livres d’argent. (Voir Sagnac.) Ainsi, nul ne pouvait donner un capital dépassant deux cent mille livres (si on capitalise à cinq pour cent). Et si le donataire, possède déjà une fortune équivalente, il ne peut rien recevoir. La loi révolutionnaire s’ingénie à empêcher les conjonctions de fortunes. Enfin, par le système de la représentation à l’infini, l’héritage est extraordinairement morcelé. Mais quoi ! permettra-t-on que toutes les injustices commises depuis 1789, souvent aux dépens des fils les plus dévoués à la Révolution, soient consacrées ? Non, non, « il faut poursuivre l’aristocratie jusque dans les tombeaux en déclarant nuls tous les testaments faits en haine de la Révolution. »

La Convention, par une des mesures les plus hardies qui aient été édictées en période révolutionnaire, décrète que ses lois sur les successions auront un effet rétroactif jusqu’au 14 juillet 1789. De ce jour date la victoire de la Révolution. Or, la victoire de la Révolution impliquait l’égalité du partage entre les enfants : si le législateur, absorbé par la lutte contre les intrigues et les complots de l’aristocratie n’a pas eu le temps de promulguer cette loi d’égalité, elle existe virtuellement depuis le 14 juillet. Ainsi, tous les