Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/848

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Custine. Et ce n’est pas seulement Custine, c’est Houchard victorieux qui monte à l’échafaud. Il est malaisé de faire la part des responsabilités dans les désastres de la guerre de Vendée en août et septembre. Ils tenaient sans doute autant à une anarchie générale que le Comité de Salut public n’avait pu d’emblée discipliner dans l’Ouest qu’à l’incapacité ou aux vices des hommes. Et je me garderai bien d’accueillir contre Rossignol, même contre Ronsin, les accusations véhémentes de Philippeaux, dont le parti pris révolta justement Robespierre. Mais à prendre les faits et les résultats, ni Ronsin, ni Rossignol, ni Séchelles ne firent preuve de qualités militaires remarquables. Rossignol, le meilleur de tous, le plus honnête, le plus sincère, le plus probe, reconnaissait modestement son insuffisance. La chance de la guerre ne tourna au profit de la Révolution que lorsque le Comité de Salut public intervint vigoureusement en octobre, et mit fin au désordre que ni le ministère de la guerre où dominaient les influences hébertistes, ni les chefs hébertistes envoyés sur place n’avaient su prévenir ou réprimer.

Si le Comité de Salut public commit une erreur en nommant l’incapable Séchelles, en octobre, pour commander une des grandes armées de l’Ouest, ce fut à la recommandation des hébertistes, pour ne pas rompre avec eux, pour leur prouver que ce n’était pas dans une pensée de coterie et d’exclusion jalouse, mais dans l’intérêt de la Révolution, qu’il remaniait dans l’Ouest les armées et y renouvelait le commandement. Séchelles d’ailleurs s’effraya bien vite, laissant la place à Kléber. C’est dans cette période que le Comité de Salut public discerne, encourage, élève aux plus hauts grades les jeunes chefs intelligents et héroïques, les Marceau, les Kléber, les Jourdan, les Hoche, qui feront reculer la contre-révolution européenne. Hébert, qui dénonçait presque au hasard, qui fut pris, à propos du représentant Duquesnoy envoyé aux armées et de son frère le général Duquesnoy, en flagrant délit d’étourderie calomnieuse, aurait-il su démêler dans la nouvelle génération des combattants révolutionnaires de plus fermes esprits et des cœurs plus nobles ? Il aurait, au contraire, étouffé tous les germes héroïques en accablant tous les officiers sous les mêmes suspicions ou les mêmes déclamations jusqu’au jour où il aurait pu distribuer à quelques incapables des bureaux de la guerre et des sections tout l’or des galons et tout l’orgueil des panaches. Est-ce d’un chef hébertiste, est-ce de Vincent ou de Ronsin, est-ce même du ministre Bouchotte qu’est venue la grande idée tactique de l’offensive par grandes masses qui a sauvé la Révolution ? Non, elle est de Hoche et de Carnot, et j’ai déjà noté que Marat qui, en juin et juillet, reflétait, dans les questions militaires, les opinions des bureaux de la guerre, concluait à une guerre de défensive dispersée, c’est-à-dire à la défaite certaine et à la prompte démoralisation des armées de la France révolutionnaire.

Le royaliste Mallet du Pan, observateur avisé et qui a la haine de la démocratie, de la Convention et du Comité de Salut public, a bien vu l’œuvre