Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/855

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d’État dans la section. Et le 25 nivôse, le tribunal, sur les conclusions du citoyen Jacquelet, agent national, se déclare incompétent, à cause de la gravité des actes reprochés à Roux : il le renvoie devant le tribunal révolutionnaire, et il ordonne que Roux soit réintégré à Bicêtre, pour y attendre son jugement.

Roux, en entendant ce jugement, se frappe de trois coups de couteau. Son courage était à bout : on le transporta sanglant dans une pièce voisine. Les juges lèvent l’audience et lui demandent comment il s’est porté à un acte « que réprouvent toutes les lois ».

Il répondit qu’il y avait été conduit par les outrages et les inculpations atroces de ses persécuteurs.

Il dit « qu’il avait le mépris de la vie présente et que dans une autre vie un sort heureux attendait les amis de la liberté ».

C’est jusqu’au bout le mélange de libre exaltation chrétienne et de ferveur révolutionnaire.

Il recommande au tribunal et à ses concitoyens l’orphelin recueilli par lui. Il demande, avant de terminer sa carrière, à être couvert du bonnet rouge, et à recevoir du président le baiser de paix et de fraternité, ce que le président fait à l’instant.

C’est vraiment la fin d’une âme noble et étrangement tourmentée. Il ne succomba pas tout de suite, il fut transporté à l’infirmerie de Bicêtre. Mais Fouquier-Tinville fut informé qu’il tentait « d’épuiser ses forces » et de se laisser mourir pour échapper au jugement. Roux se frappa de nouveau et, cette fois, ayant blessé le poumon, il mourut enfin. Le procès-verbal d’autopsie du 1er ventôse constatait de profondes blessures. Ainsi, Robespierre et Hébert avaient eu raison de Jacques Roux. Mais la persécution de la Commune fut plus directe.

Si étroite que fût la doctrine sociale de Jacques Roux, c’était un essai de systématisation des griefs et des revendications populaires. Et elle ne fut pas sans influence sur la politique économique et financière de la Révolution. Bien loin d’adhérer à ce qu’elle avait de sincère et d’audacieux, l’hébertisme ne songea qu’à écraser l’homme qui la représentait avec une obstination extraordinaire et une force d’espérance qu’il portait au delà même de la mort. Hébert et la Commune furent implacables.

Mais voici, semble-t-il, dans la pensée de Chaumette des tendances socialistes qui se dégagent. Dans la grande fièvre révolutionnaire de l’automne de 1793, en ces mois de septembre et d’octobre où la Révolution faisait un effort immense pour arracher la France à la trahison et à la guerre civile, le peuple à la détresse et à la faim, quand il fallait s’appuyer sur les prolétaires pour contenir partout la bourgeoisie aux tendances girondines, et pour imposer aux gros marchands l’observation du maximum, alors, oui, Chaumette a entrevu que la socialisation de l’industrie, substituant la nation aux fabricants égoïstes