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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/872

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fiter en hâte de leur popularité parisienne pour devenir représentants et ministres, que les hébertistes demandaient l’application précipitée de la Constitution, « l’organisation constitutionnelle du ministère », c’est-à-dire la dissolution de la Convention, le destin de la liberté et de la nation remis au hasard d’élections en pleine crise de guerre civile et de guerre étrangère. Eux, les prétendus révolutionnaires, ils veulent mettre fin avant l’heure au gouvernement révolutionnaire, dans l’espoir d’être du gouvernement qui suivra ou de le dominer.

Dès maintenant, Hébert ne pardonne pas à Danton et à Robespierre de n’avoir pas fait de lui, Hébert, le successeur de Garat au ministère de l’Intérieur. Le père Duchesne a hâte de fumer sa pipe dans un salon ministériel, et il faut voir avec quel dépit misérable, mal couvert sous des grimaces de dédain, il commente son échec devant les commères que convoque sa fiction et qui lui font une cour admirative et empressée.

Ce n’est pas seulement cet esprit de coterie misérable et de particularisme ambitieux que représentait l’hébertisme. Il est encore, sous forme démagogique, la première apparition du militarisme dans la Révolution française. Oui, l’hébertisme est militariste par son origine même ; c’est dans les bureaux de la guerre qu’il est né et qu’il a grandi. Il a le sabre traînant et la moustache provocatrice. Il est militariste par le goût de la brutalité et de la parade. Il se plaît aux expéditions de l’armée révolutionnaire, aux gestes terrifiants qui ressemblent aux allures d’une armée en pays conquis. Et ces chefs populaires (c’est Chaumette qui nous l’apprend) se couvrent de dorures pour marcher derrière la guillotine, comme les prêtres se revêtent d’étoles splendides pour aller sous le dais. Il est militariste par l’horreur et la crainte du pouvoir civil. Casser la Convention lui serait un jeu, et il installerait au pouvoir, le lendemain, tout un état-major à panaches. Le furieux hébertiste Vincent disait des commissaires de la Convention aux armées : « Qu’on achète des mannequins et qu’on les habille du costume dessiné par David. Voilà les délégués de la Convention. » Belle affectation de simplicité démocratique chez ces officiers révolutionnaires qui se chamarraient à plaisir. Non, ce qui choquait Vincent, c’était précisément que les délégués de la Convention ne fussent pas des mannequins, et que par eux les armées de la Révolution dont l’hébertisme espérait envahir tous les grades fussent tenues sous la discipline du gouvernement central et de la loi. L’hébertisme était militariste par sa complaisance à une politique prolongée d’exécutions militaires. Son idéal révolutionnaire, c’était, le lendemain d’un assaut, les sauvages représailles de guerre sur les villes vaincues. Lyon est pris, la répression s’y déchaîne. Marseille est pris ; la fureur de revanche s’y déploie. Toulon capitule ; la trahison est noyée dans le sang. La Vendée fléchit ; Nantes devient le centre d’opération du bourreau.

Partout les commissaires de la Convention, Fréron et Barras à Toulon