Aller au contenu

Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/871

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cherchent dans le symbolisme nouveau la vague continuation du symbolisme ancien. Pour avoir voulu se passer du temps et de la raison dans une œuvre de libération qui suppose et le temps et la raison, l’hébertisme n’a fait que modifier le décor de superstition. Les foules passent de l’adoration de la nature invoquée au Dix-Août, au culte de la raison, et bientôt au culte de l’Être suprême, et c’est toujours la même ignorance sous l’apparente diversité des formules. Non, non, il n’est pas possible de se passer de l’esprit pour libérer l’esprit.

Profonde est donc la misère intellectuelle et morale de cet hébertisme violent et sournois, arrogant et vide, qui guette le Comité de Salut public, qui lui tend des embûches, et qui cherche par tous les moyens, par l’intrigue d’abord, bientôt par la force, à s’emparer du pouvoir et à confisquer la Révolution.

Il ne pouvait pas alléguer qu’il représentait Paris. Tout ce qu’avait voulu le grand Paris patriote et révolutionnaire, il l’avait maintenant par la Convention épurée et par le Comité de Salut public. Il avait voulu que la force révolutionnaire fût concentrée et agissante : elle l’était. Il avait voulu que les vaines querelles où s’épuisait la Convention fussent ou apaisées ou écrasées : elles l’étaient, et la Convention travaillait, comme une machine puissante et silencieuse, à broyer les insurgés, les traîtres, les ennemis. Il avait voulu que l’avenir de la démocratie fût assuré contre la main-mise orgueilleuse d’une oligarchie de beaux parleurs et de bourgeois arrogants : la démocratie avait reçu la garantie d’une Constitution populaire, et elle enveloppait le gouvernement. Paris avait voulu enfin qu’on ne se méfiât ni de Paris, ni du peuple, que de fortes lois assurent la subsistance des prolétaires : c’est en harmonie avec Paris que la Convention et le Comité de Salut public gouvernaient, c’est pour le peuple qu’ils édictaient le maximum.

Aller au delà, réclamer davantage pour Paris et pour la Commune, c’était parler, non plus au non de Paris, mais au nom d’une coterie parisienne. C’était déchirer la belle unité révolutionnaire de Paris et de la France ; c’était recommencer en sens inverse, par le particularisme parisien, le crime du fédéralisme girondin. C’est cet esprit de coterie effervescente et ambitieuse que l’hébertisme tentait d’imposer à la France. C’est pour assurer l’orgueilleuse primauté de certains hommes, c’est pour donner à la Commune une préséance de vanité, c’est pour accaparer au profit de quelques sectionnaires et de quelques commis tous les emplois et tous les grades, que l’hébertisme voulait mettre la main sur le pouvoir, et qu’il dénigrait le gouvernement central de la Révolution. C’est pour libérer de tout contrôle le ministère de la guerre et en faire la forteresse hautaine du pouvoir exécutif révolutionnaire que les hébertistes cherchaient à dissoudre le Comité de Salut public ou à le déconsidérer. C’est parce qu’ils espéraient jouer, dans l’Assemblée qui succéderait à la Convention, un rôle important et décisif, c’est parce qu’ils voulaient pro-