autre forme, la proposition qu’il avait faite, tendant à choisir où à pouvoir choisir les ministres dans la Convention.
Mais Robespierre, défiant, crut que Danton voulait l’accabler d’une responsabilité immense et exclusive. De même, quand Danton demanda que le Comité de Salut public ait le maniement direct de cinquante millions pour faire face aux intrigues du dedans et du dehors, le Comité de Salut public se récria. Ce serait l’occasion de calomnies incessantes. Et Danton répondit par une belle parole : « Ceux qui redoutent la calomnie ne seront jamais des hommes publics ».
Oui, mais cette parole aurait eu beaucoup plus de force si lui-même, à ce moment, ne s’était pas réservé, si on n’avait pu conjecturer qu’il voulait faire subir à d’autres popularités l’épreuve qu’avait subie la sienne. Surtout, cette sorte de demi-effacement encourageait l’intrigue. Tous ceux qui aspiraient à changer le gouvernement et à le remplacer, tous ceux qui voulaient ruiner le Comité de Salut public pour se substituer à lui ou pour ouvrir les chances de l’inconnu, ou simplement par inquiétude d’esprit et jalousie du pouvoir, tous ceux-là considéraient Danton comme un chef éventuel ; et son silence énigmatique était comme un centre où toutes les ambitions obscures se rattachaient.
Fabre d’Églantine était le chef et l’inspirateur de l’intrigue. Sa tête, suivant le mot de Danton lui-même, était un imbroglio. Homme de théâtre, fertile en combinaisons, observateur ingénieux et ironique, promenant sa lorgnette sur les événements et sur les hommes, il s’amusait à la politique comme à un jeu de l’esprit. Et, tout de suite, les rapports difficiles et compliqués de Robespierre et de l’hébertisme lui apparurent comme une matière admirable à combinaisons, à complications et à réussites. Ou Robespierre se jetterait dans l’hébertisme et se livrerait à lui. Alors il se perdait avec la secte insensée, et les dantonistes restaient les maîtres de la Révolution qu’ils modéraient à leur gré, qu’ils apaisaient et gouvernaient. Ou bien Robespierre, par peur de l’hébertisme, se replierait sur les dantonistes, solliciterait leur appui, et alors on le tenait à discrétion, on le compromettait en exigeant de lui des mesures décisives où sa popularité s’amoindrirait.
Ainsi, en ce jeu égoïste et subtil, tantôt Fabre d’Églantine conspire, même avec les hébertistes, contre le Comité de Salut public, tantôt il veut obliger le Comité de Salut public à brusquer les opérations contre le parti d’Hébert au risque de tout compromettre. En septembre 1793, c’est le rapport de Philippeaux sur les affaires de Vendée qui fournit à Fabre d’Églantine l’occasion d’une manœuvre contre le Comité et contre Robespierre. Philippeaux, en Vendée, avait créé un conflit violent avec Ronsin, avec Rossignol, les généraux hébertistes. Il revenait de l’Ouest l’âme ulcérée, la parole toute gonflée d’accusations. Il savait bien qu’au fond le Comité de Salut public n’avait, pour les délégués du ministère de la Guerre, qu’une médiocre sympathie, et la