Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/885

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preuve c’est que, peu après, le 2 octobre, le Comité de Salut public propose, pour la guerre de l’Ouest, tout un plan de réorganisation qui, sans rompre brutalement avec le parti militaire d’Hébert, en diminuerait l’importance. Il était donc facile et sage de faire crédit au Comité de Salut public.

Le patriotisme révolutionnaire voulait que Philippeaux lui fit part, discrètement, sans tapage, des fautes commises en Vendée. Mais non, il ne rêve que scandale et vengeance. Le jugement porté par lui sur les hommes et sur les choses, sur les plans et sur les chefs, jugement que contredisent à fond Choudier et Levasseur, il faut que la Convention l’adopte ; il faut que le Comité de Salut public le fasse sien. Et, s’il n’obéit pas sans délai, s’il ne met pas au premier plan la question Philippeaux, Philippeaux le dénoncera comme le complice des désorganisateurs, des conspirateurs, des traîtres. C’était l’heure où l’hébertisme préparait son assaut. Qu’importe à Philippeaux ? Ou plutôt, c’est tant mieux pour Fabre d’Églantine, car c’est seulement par une coalition confuse que le Comité de Salut public peut être ébranlé, et il est bien plus ingénieux d’ailleurs et bien plus divertissant d’envelopper Robespierre dans un réseau d’intrigues contradictoires où il ne pourra se reconnaître.

L’agioteur politique qu’était Fabre d’Églantine jouait à ce moment à la baisse sur le Comité de Salut public, et cette baisse politique, il fallait, comme font les agioteurs des baisses financiéres, la déterminer par tous les moyens. C’est le 25 septembre que la spéculation se développa et que la bataille se livra à la Convention. Contre le Comité de Salut public étaient ligués ceux qui lui reprochaient sa faiblesse et ceux qui lui reprochaient son exagération. Il avait contre lui des Montagnards extrêmes auxquels on essayait de faire peur de sa dictature. Il avait contre lui les dantonistes intrigants et souples. Il avait contre lui aussi les représentants en mission qu’il avait rappelés, ou qui, mécontents de leur rôle, se plaignant de l’ingratitude de la Révolution qui ne reconnaissait pas leurs services, cherchaient à prendre leur revanche sur le pouvoir.

Briez, qui avait dû livrer Valenciennes, Merlin de Thionville qui, malgré son héroïsme, n’avait pu sauver Mayence et qui n’était pas encore tout à fait relevé du discrédit de la défaite, tous se plaignaient de n’avoir pas été assez soutenus, exhalaient leur amertume. D’autres pensaient que le Comité n’avait pas assez épuré les états-majors. D’autres lui faisaient grief de frapper Houchard après sa victoire d’Houdschoote. Plusieurs s’indignaient ou paraissaient s’indigner parce que des représentants en voyage avaient été un moment arrêtés par des autorités révolutionnaires qui invoquaient la consigne sévère du Comité de Salut public ordonnant de surveiller tous les courriers. Attentats, tyrannie, incapacité : c’était l’accumulation de tous les griefs, c’était la coalition immorale et âpre des politiques contradictoires, c’était une de ces tristes manœuvres dont le régime parlementaire a donné tant d’exem-