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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/892

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du Pan d’une entente secrète de Danton avec le Temple. Plus tard, faisant l’histoire des modérés, Mallet du Pan dit :

« Réduits à la seconde ligne par la supériorité de Robespierre et de ses coadjuteurs, ils s’étaient rangés sous la bannière de Danton ; ils participèrent à ses craintes, à ses projets et ont failli participer à sa destinée. Comme leur chef et intimidés par le tribunal révolutionnaire à l’élévation duquel ils avaient concouru, ils laissèrent périr la reine de France et Mme Elisabeth, avec le désir de les sauver. »

Gouverneur Morris est plus précis. Il n’attribue aucunement à Danton un plan de restauration monarchique. Il croit qu’il se proposait surtout, à la fin de 1793 et en 1794, de modérer la Révolution pour n’être pas écrasé lui-même sous ses débris. Mais il ajoute que Danton ne croyait pas à la République, qu’il avait du mépris pour la foule, qu’il pressentait l’avènement d’un César et qu’il laissait à l’avenir de décider quel serait ce chef, ou Danton lui-même ou peut-être un héritier du roi. Qu’on suive la progression dans la correspondance de Gouverneur Morris ; le 21 janvier 1794, il écrit :

« Il y a trois partis parmi les faiseurs du jour. L’un peut être appelé les dantonistes, parti avec lequel Robespierre est lié, et qui désire, par la douceur ou par quelque chose qui ressemble à un gouvernement légal, inspirer une sorte d’attachement à la Révolution. Ils craignent que le peuple, si souvent trompé, n’essaie enfin, par un effort unanime, effort non d’une conspiration, mais de la répulsion générale qu’inspire la tyrannie, de renverser, quelque imprévu que soit le régime qui doive lui succéder, l’édifice que ces hommes soutiennent au prix du sang, et dont les débris les écraseraient dans leur chute. »

Et pour consolider quelques-uns des résultats de la Révolution, Danton serait prêt à accepter un compromis avec la royauté. C’est ce que Morris écrivait il y a un an, en décembre 1792 :

« Peu après le 10 août, j’ai eu des renseignements auxquels vous pouvez croire, portant que le plan de Danton était, en obtenant l’abdication du roi, de se faire nommer lui-même chef d’un conseil de régence, composé de ses créatures, pour le temps de la minorité du dauphin ; cette idée n’a jamais été entièrement abandonnée. »

Et Morris répète en 94 que le plan de Danton, tel qu’il l’a exposé, est toujours le même. Aussi bien, comme il l’écrit le 15 avril 1794 (quelques jours après la mort de Danton) :

« Danton a toujours cru, et ce qu’il y a eu de plus malheureux pour lui, a toujours soutenu qu’un système de gouvernement par le peuple en France était absurde ; que la foule est trop ignorante, trop inconstante, trop corrompue pour fournir une administration basée sur la légalité ; qu’habituée à obéir, il lui faut un maître, et qu’en supposant même que le peuple eût été élevé dans les principes de la liberté, et qu’il joignît à l’énergie du sentiment la force de l’habitude, cependant, comme dans l’ancienne Rome, il aurait