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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/900

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de l’intrigant dantoniste, paraissaient prendre la direction du mouvement. Collot d’Herbois accourait de Lyon. Frapper Vincent, pour avoir reproduit les propos de Ronsin sur les Lyonnais que Collot d’Herbois lui-même avait tenus dix fois, c’était menacer, c’était presque frapper Collot d’Herbois lui-même. Ainsi, Fabre, sous prétexte de hâter la chute de l’hébertisme, obligeait Robespierre ou à couvrir Collot d’Herbois, ou à dissoudre le Comité de Salut public ; et, dans les deux cas, c’était faire le jeu des hébertistes. Les Cordeliers décidèrent que le jour même où Collot reprendrait séance à la Convention (le 21 décembre) ils y porteraient le buste, les cendres et la tête de Chalier. Qui oserait désavouer le martyr en calomniant, en incarcérant ceux qui avaient voulu le venger ? Le 23 décembre, les Cordeliers lisent à la Convention une pétition menaçante. « Nous sommes et nous resterons les Cordeliers que rien n’abattra. »

Le même soir, aux Jacobins, Collot est dramatique. Il donne lecture de deux lettres de Lyon, dont l’une de Fouché, qui annoncent que Gaillard, un des amis de Chalier, « s’est tué de désespoir, se croyant abandonné par les patriotes ».

Voilà où mène le modérantisme. Voilà l’effet de l’arrestation de Ronsin et de Vincent : la violence faite aux patriotes parisiens est une menace pour tous les révolutionnaires de France.

« Il faut, s’écrie Collot, prévenir de nouveaux malheurs. Il faut ranimer le courage de nos frères les Jacobins, qui sont en ce moment à Commune-Affranchie. J’en ai parlé au Comité de Salut public ; Robespierre lui-même s’est chargé d’écrire à nos malheureux frères. Un courrier extraordinaire leur sera dépêché, et je demande que la Société y joigne une lettre rassurante, une lettre consolatrice, et que nous fassions tous ici le serment de ne pas survivre à celui de nos frères qui pourrait être attaqué. »

« Tous les membres de la Société se lèvent à la fois et font ce serment terrible avec la plus grande énergie, aux applaudissements réitérés des tribunes. »

Les Jacobins devenus une succursale des Cordeliers, Robespierre sous la domination des hébertistes et sous le canon de Collot, quel triomphe pour Fabre d’Églantine, et comme il devait savourer ses intrigues, s’amuser aux péripéties ! Cependant, Robespierre, patient, assidu, tenace, n’abandonne pas la lutte ; et le 27 janvier il pare le coup qu’un des agents cordeliers lui portait aux Jacobins. Brichet proposait, en effet, que la Société demandât le lendemain à la Convention de mettre en jugement les restes des Brissotins et de s’épurer elle-même par l’élimination du Marais. Les restes des Brissotins, c’étaient les soixante-treize que Robespierre avait sauvés. Le Marais, c’était Barère sans lequel Robespierre eût été à la merci ou de Fabre d’Églantine, ou d’Hébert.

« Depuis le 31 mai, s’écria Robespierre, il n’y a plus de Marais ; ou bien