lomnie ? Sans doute, il fut troublé, et se demanda à lui-même avec épouvante si la passion de l’imbroglio n’avait pas jeté l’intrigant éternel à quelque basse aventure. Ou du moins il reconnut l’impossibilité d’expliquer le flegme de Fabre d’Églantine devant la manœuvre criminelle de Delaunay, essayant de fausser la volonté de la Convention.
Mais quoi ! est-ce qu’au discrédit des déchirements va se joindre pour la Révolution le discrédit de la corruption ? Au moment où elle ne peut se sauver qu’en imposant au vaste monde des tyrans et des esclaves la terreur tout ensemble et le respect, faudra-t-il que la Révolution se dévore elle-même ? Faudra-t-il qu’elle soit prise entre des furieux qui veulent la souiller de sang, et des indulgents corrompus qui veulent la livrer sans défense aux trahisons des contre-révolutionnaires et au mépris de l’univers ? Tout le bénéfice du premier effort, immense et glorieux, du Comité de Salut public et de la Convention, à Lyon, à Marseille, à Toulon, en Vendée, en Belgique, sur le Rhin, tout le crédit révolutionnaire amassé par la sagesse et la vigueur du gouvernement va se perdre dans une flaque mêlée de sang et de boue. Haut les cœurs, et que la Révolution soit sauvée même au prix des décisions les plus violentes et des plus brutales exécutions !
C’est précisément une initiative de Fabre d’Églantine, entraînant la Convention à une démarche imprudente, qui exaspère la crise et en accélère le dénouement. Le 17 décembre, il demanda à la Convention l’arrestation de Vincent. C’était doublement une faute, d’abord parce que le fait d’avoir affiché la lettre violente de Ronsin sur Lyon, seul grief allégué par Fabre, ne suffisait pas à fonder une accusation. Il était enfantin de s’attacher à un détail alors que tout un système était en jeu. Et ensuite, c’est au Comité de Salut public et au Comité de Sûreté générale, seuls en état de recueillir des informations, seuls capables de saisir le moment où un acte politique pouvait être utilement accompli, qu’il convenait de laisser la direction de la lutte. Mais Fabre voulait beaucoup moins atteindre les hébertistes que gêner Robespierre.
La Convention adjoignit à Vincent, Ronsin et Maillard. Ces arrestations provoquèrent dans la clientèle hébertiste déjà vaste, dans les bureaux du ministère de la Guerre, aux Cordeliers, dans plusieurs sections, un émoi très vif et une agitation prolongée. Quoi ? est-ce que le rolandisme va recommencer ? Est-ce que nous revenons à l’époque où tous les placards des patriotes étaient dénoncés, où toutes les paroles étaient calomniées ? Est-ce que maintenant, comme au temps de la Commission des Douze, il n’y aura plus de sûreté pour les meilleurs combattants de la Révolution ? On frappait Hébert avant le 31 mai, on frappe maintenant les amis d’Hébert : le peuple laissera-t-il faire ? Devant ces récriminations et ces analogies, les Jacobins, gênés, se taisaient. Fabre d’Églantine, comme étonné et effrayé de l’ébranlement qu’il avait produit, écrivait au Comité de Sûreté générale pour préciser son initiative et limiter sa responsabilité. Les Cordeliers exultaient, et, par la faute