Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/904

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

surer et d’affermir l’action immédiate de la Révolution, mais qui préparera et annoncera les institutions de justice, les institutions sociales sans lesquelles la Révolution n’aurait point de base.

Saint-Just répète sans cesse : « Il y a trop de lois, trop peu d’institutions civiles ». Il entend par là que la société commande, qu’elle prescrit aux individus tel ou tel acte, mais qu’elle n’a pas créé de vastes organisations qui rendent, en effet, facile à l’individu l’accomplissement de ces actes. Ce que Saint-Just demande dans les notes et les fragments qui nous sont restés de lui, c’est d’abord qu’on institue l’enseignement commun, l’éducation commune.

« …Les enfants appartiennent à leur mère jusqu’à cinq ans si elle les a nourris, et à la République ensuite jusqu’à la mort. L’enfant, le citoyen appartiennent à la patrie. L’instruction commune est nécessaire. Les écoles seront dotées d’une partie des biens nationaux. »

Ce qu’il veut encore, c’est limiter les effets sociaux de l’héritage, et constituer un domaine public avec la fortune de ceux qui n’ont pas d’héritiers directs.

« L’hérédité est exclusive entre les parents directs. Les parents directs sont les aïeuls, le père et la mère, les enfants, le père et la sœur. La République succède à ceux qui meurent sans parents directs.

« …Nul ne peut déshériter ni tester. »

Et il réclame un système de lois qui fasse du travail une obligation, et qui anéantisse, par conséquent, la propriété aux mains oisives.

« Tout propriétaire qui n’exerce point de métiers, qui n’est point magistrat, qui a plus de vingt-cinq ans, est tenu de cultiver la terre jusqu’à cinquante ans. »

C’est la suppression des rentiers, c’est l’obligation pour la bourgeoisie rurale ou de travailler de ses mains ou de s’adonner à l’industrie.

« L’oisiveté est punie, l’industrie est protégée. »

L’idéal est une société où les hommes vivront surtout du travail agricole, et où la propriété foncière sera extrêmement divisée. Sans doute, Saint-Just ne proscrit ni l’industrie, ni le luxe. Robespierre avait dit, le 5 février : « Nous ne voulons dans la République ni l’austérité, ni la corruption du cloître ».

Saint-Just écrit dans ses notes :

« La République honore les arts et le génie. Elle invite les citoyens aux bonnes mœurs ; elle les invite à consacrer leurs richesses au bien public et au soulagement des malheureux sans ostentation… Nul ne peut être inquiété dans l’emploi de ses richesses et dans ses jouissances, s’il ne les tourne au détriment d’un tiers. »

Mais il attend surtout la force et la grandeur de la République d’une démocratie de petits propriétaires soutenus contre les accidents et les risques de la vie économique par un domaine public.