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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/288

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de la même façon, reçut, bien que des généraux eussent protesté, la commande d’une partie des selles qui étaient fabriquées à Saumur par des ouvriers militaires. Une troisième association, celle des fileurs, eut pour sa part de besogne 100.000 épaulettes à livrer. A Lyon, les ouvriers en soie avaient à exécuter des écharpes et des drapeaux et s’organisaient suivant les mêmes principes.

D’autres sociétés analogues se créaient sans aide et leurs statuts reflètent bien leur caractère plus généreux que pratique. La société générale, politique et philanthropique, des mécaniciens et serruriers, née à Paris le 2 Mars 1848, formule ainsi son but : « 1° L’intérêt de tous les travailleurs doit être soutenu et défendu par tous, si on l’attaque. 2° Nous nous engageons tous à le défendre. 3° Nous nous rendons tous solidaires les uns des autres… » A Lyon, l’Union des travailleurs, se proposant d’entreprendre des travaux de chemins de fer sur la ligne de Paris-Lyon, déclare prendre pour règles : la fraternité, la protection envers les faibles et la prévoyance pour l’avenir, la répartition équitable des gains entre le travail, l’intelligence et le capital. (On reconnaît la formule fouriériste).

Beaucoup de ces sociétés orientées vers le socialisme disparurent avec les journées de Juin. Cependant à Lyon, où l’effet s’en fit moins sentir, l’Association des ouvriers tailleurs du département du Rhône se propose encore, au mois d’Avril 1849, de « substituer l’union à la concurrence » et, pour cela, ne fait aucune part à l’individu dans les bénéfices qui sont attribués pour 2/3 au fond de réserves, pour 1/3 à une caisse d’assistance fraternelle. A Paris même, en Mars 1850, la Société générale des ouvriers de l’industrie du bronze déclare poursuivre les fins suivantes :


« dans l’ordre économique, quant à la production, le développement de leur industrie, l’augmentation continuelle de la somme ou quantité des produits, leur exécution de plus en plus simple, rapide et perfectionnée —, et, quant à la répartition, l’accroissement du bien-être des producteurs par la suppression des intermédiaires parasites et du capital usuraire, au moyen de la socialisation des instruments de travail ;

« dans l’ordre moral, l’émancipation des travailleurs par la suppression du patronat ; l’union des cœurs, des sentiments, par la substitution de l’émulation, devenue graduellement concours fraternel, à la concurrence hostile ou envieuse ; la participation de plus en plus équitable de chacun aux fonctions et aux jouissances sociales ; en un mot, rétablissement de l’ordre dans la production par sa mise en rapport avec la consommation, par la solidarité des efforts, des intérêts ; l’unité remplaçant le fractionnement, l’antagonisme des activités ; la réalisation de l’harmonie dans le travail, de la République dans l’atelier, de la justice dans la distribution des charges et la répartition des avantages sociaux. »


La date de ces statuts, qui sont tout un programme, coïncide avec l’espèce de renaissance socialiste qui marqua la fin de la deuxième République.

Mais ce qui domine, depuis Juin 1848, ce sont les Sociétés d’un type plus rapproché de l’ordre capitaliste. L’inspiration de Corbon se substitue à celle de Louis Blanc. Michel Alcan, avait, dès le 30 mai, proposé l’ouverture d’un crédit de trois millions, dont un devait être distribué en primes aux associa-