Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/328

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levaient chaque année près d’un demi-million sous forme de droits ; placer chacun de ces établissements sous l’autorité d’un directeur responsable. Le projet de loi qui fut voté, non par la Constituante, mais par la Législative le 24 juin 1851, laissa à leur tête un Conseil d’administration présidé par le maire de la commune, organisa leur dotation, les autorisa à garder l’excédent de leurs recettes pour augmenter leur capital, décida que les conditions du prêt sur gages seraient réglées administrativement chaque année. C’était une légère amélioration ; mais on était encore loin d’avoir organisé à bon marché le crédit du pauvre. Du moins, une loi du 19 décembre 1850 vient-elle, après deux tentatives infructueuses, rendre passible de l’amende et de la prison le délit d’habitude d’usure.

Toutes ces mesures ou propositions isolées s’effacent devant deux projets d’ensemble présentés par Dufaure, pour organiser l’un à Paris, l’autre en France, l’assistance publique. Le mot, disait Dufaure, était nouveau dans la langue des lois. « Pour la première fois, ajoutait-il, le précepte chrétien devient la base de tout un code administratif. » La chose n’était sans doute pas aussi nouvelle que le prétendait le ministre ; mais, depuis la première Révolution, jamais assemblée française n’avait été appelée aussi solennellement à légiférer sur ce grave sujet.

On courut au plus pressé ; on s’occupa de Paris. Trois traits essentiels caractérisaient le projet. L’autorité était centralisée en la personne d’un directeur unique nommé par le ministre et ayant des pouvoirs considérables qu’il devait exercer sous le contrôle d’un Comité de surveillance ; il devenait en particulier le tuteur des orphelins, des enfants trouvés ou abandonnés, des aliénés. Puis le service était réparti entre deux divisions : la première comprenant les hôpitaux et hospices ; la seconde, les secours à domicile. Enfin, médecins et chirurgiens étaient désignés au concours, ou bien, comme le fit ajouter le docteur Trousseau, élus par leurs confrères. Le Comité auquel le projet fut renvoyé, essaya de réduire ce qu’il nommait l’omnipotence du directeur en le subordonnant à un Conseil d’administration, dans lequel devaient figurer des ministres des cultes. Il voulait aussi décentraliser les secours à domicile en les faisant distribuer par arrondissements. Mais la Constituante, éprise d’unité et de gouvernement fort, préféra le système ministériel.

Quant au projet qui devait s’étendre à tout le territoire de la République, il est peu utile d’en retracer les détails, puisqu’il n’a jamais fonctionné. Il suffit d’y noter deux innovations essentielles. D’abord l’institution de cantonaux, imités de ceux qui avaient été décrétés en 1793 et dans lesquels des prudhommes figureraient avec des médecins, des ministres des cultes et des représentants de l’autorité municipale. Aidés, dans leur tâche par des médecins et pharmaciens cantonaux, véritables fonctionnaires qui recevraient un traitement, comme cela se pratiquait dans le Bas-Rhin depuis