Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/331

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Nous en avons déjà indiqué la plupart. Il faut y joindre, pour l’enfance, la création de salles d’asile et de crèches, des patronages en faveur des jeunes détenus, et un projet à l’avantage des enfants trouvés ; pour la vieillesse, le vœu de faire circuler plus largement l’air et la lumière dans les hospices et la loi du 13 août 1851, qui obligeait les hôpitaux à recevoir les indigents tombés malades dans une commune, même quand ils étaient domiciliés ailleurs, mais qui les autorisait à réclamer les frais de leur entretien aux familles ou aux communes d’origine ; pour les adultes, l’établissement de bains et de lavoirs à bon marché, l’assistance judiciaire, la gratuité des actes de l’état civil, nécessaires au mariage des indigents et à la légitimation de leurs enfants nés hors mariage.

La question des habitations ouvrières avait préoccupé les esprits. On sait la terrible célébrité qu’avaient alors les caves et les greniers de Lille. L’économiste Blanqui a une page indignée sur les repaires de Rouen « mal à propos décorés du nom d’habitations », et il ajoute : Il faut que personne en France n’ignore qu’il existe des milliers d’hommes parmi nous dans une situation pire que l’état sauvage. » La commission du Luxembourg avait prévu la fondation de grandes cités ouvrières qui contiendraient chacune cent ménages et leur offriraient à prix réduits logement, chauffage, éclairage avec toutes les commodités réservées jusqu’alors aux riches. Mais le plan ne fut pas exécuté. La Constituante, à son tour, avait accordé une exception d’impôts pour quinze années à toute construction qui serait commencée avant le ler janvier 1849 et destinée à loger des ouvriers. Cette question ne fut pas abandonnée. Les journées de Février et de Juin avaient rendu la bourgeoisie attentive aux facilités que les vieilles rues étroites et tortueuses offrent aux barricades. Le choléra, passant des quartiers pauvres aux autres, avait éveillé chez les riches le sentiment d’une solidarité inattendue. Et voici que le macadam apparaît sur les boulevards et les places ; que des spéculateurs vantent le pavé en bois, « le pavé conservateur » ; que l’éventrement des villes commence au nom de l’hygiène. A Paris seulement, on décidait l’achèvement du Louvre et sa réunion aux Tuileries, la démolition des antiques bâtiments qui s’enchevêtraient encore entre les deux palais : on prolongeait la rue de Rivoli, on entamait la construction des Halles centrales dont la première pierre était posée par le prince-président en Septembre 1851. Un Paris nouveau se préparait ainsi, arraché à sa tranquillité d’antan et à ses traditions, un Paris plus aéré, plus sain, plus coquet, plus cosmopolite, capitale du plaisir pour les oisifs et les étrangers, animé d’un mouvement centrifuge qui reléguait dans les faubourgs sa population ouvrière et poussait vers la région du couchant ses avenues élégantes et aristocratiques.

À cette transformation se liait la loi du 13 Avril 1850 qui donnait à des Commissions nommées par les Conseils municipaux l’ordre d’inspecter les logements et le pouvoir de fermer ceux qui étaient insalubres. Il faut être