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juste. Un sentiment de pitié pour les misérables qui croupissaient dans ces taudis n’était point étranger à ces mesures de salubrité publique. Dans un esprit semblable on vota la loi Grammont qui interdisait de maltraiter les animaux. L’Assemblée Législative n’était pas incapable d’humanité, quand les intérêts de la classe bourgeoise ne se trouvaient pas en jeu. Ces accès de charité étaient quelque chose : on n’a le droit de rien dédaigner de ce qui épargne une douleur à des êtres vivants. Mais c’était peu, si l’on songe à ce que les travailleurs avaient attendu dans les premiers jours de la Révolution. Le grand fleuve d’espoir et d’enthousiasme, qui coulait alors puissant et majestueux, semblait avoir été bu par les sables et il finissait en ruisselets insignifiants.



CHAPITRE VII


LA PRODUCTION AGRICOLE ET INDUSTRIELLE


Après les théories, les lois et les institutions, les faits matériels réclament notre attention. Que fut, pendant ces années agitées, la production économique sous ses deux formes principales : agricole et industrielle ?

Les Révolutions n’empêchent pas le soleil de briller, de dorer les blés et les raisins. Les événements politiques, tant que la sécurité n’est pas compromise dans les campagnes par la guerre étrangère ou civile, n’ont pas de répercussion profonde sur les travaux des champs, et les vaches maigres ou grasses continuent à se suivre, selon les lois encore mal connues qui gouvernent les saisons.

Autant qu’il est permis d’en juger d’après des données fort incomplètes, l’agriculture, pendant la Deuxième République, est en progrès. La surface cultivée s’accroit. L’augmentation porte sur les terres labourables et les vignes. Le chiffre maximum du siècle dans le nombre des hectares occupés par celles-ci est même atteint en l’année 1849. Corollaire naturel, la superficie des landes, bois et prés a diminué. Il s’ensuit beaucoup de blé et beaucoup de vin. La récolte en froment a pourtant baissé et même le rendement par hectare ; le prix moyen de l’hectolitre aussi, et de plus de moitié, si on le compare aux chiffres de l’année de disette 1847. Cela dénote un commencement de malaise agricole auquel contribue sans doute l’arrivage des blés étrangers.


FROMENT
ANNÉES HECTARES ENSEMENCÉS HECTOLITRES RÉCOLTÉS PRODUIT PAR HECTARE PRIX MOYEN DE L’HECTOLITRE
1847 5.979.311 97.611.140 16.32 29.46
1848 5.900.000 89.900.000 14.73 16.27
1849 5.900.000 90.600.000 15.21 15.39
1850 5.999.000 87.900.000 14.78 14.33
1851 6.090.000 85.900.000 14.33 14.63