Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/376

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de la circulation, au détriment de la richesse nationale (car ils sont souvent improductifs), du trésor public et des contribuables (car ils échappent à l’impôt de mutation et forcent à reporter sur autrui les charges dont ils sont dégrevés). Il concluait qu’il était juste de compenser cette situation privilégiée par une taxe annuelle et il emportait sur ce point la conviction de la Constituante qui, malgré les efforts des catholiques, votait le projet à une grande majorité. Les droits seigneuriaux de la propriété furent encore réduits par les grands travaux que nécessitait l’assainissement des villes. Il fallut, comme on l’avait déjà fait pour la construction des chemins de fer, rendre plus facile l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il y eut aussi un projet de loi pour empêcher ou réglementer la fusion des Sociétés formées pour l’exploitation des mines dans le bassin houiller de la Loire. Les concessions ainsi réunies devaient être annulées. On voulait s’opposer par ce moyen à la concentration de la propriété industrielle en un petit nombre de mains. Mais un des premiers actes du ministère qui fut nommé au lendemain de l’élection présidentielle fut le retrait de ce projet. Il fut repris, rapporté, mais non discuté.

Enfin on élabora une réforme du système hypothécaire. Deux grands projets d’ensemble, sans compter un projet partiel de Considérant, furent déposés à la Constituante par Pougeard et Langlois et renvoyés à l’examen du Conseil d’État. La question resta à l’ordre du jour de la Législative ; mais elle n’eut pas le temps d’aboutir et l’on ne peut citer qu’une réforme de détail qui fut adoptée le 9 Janvier 1851. Elle était ainsi conçue :


« L’hypothèque n’a de rang et ne produit d’effet que du jour de l’inscription. Néanmoins l’hypothèque légale existe indépendamment de toute inscription au profit des mineurs, des interdits et des femmes, pendant toute la durée de la tutelle et du mariage. »


En somme la propriété et ses droits furent alors considérés comme quelque chose de sacré en même temps que de fragile. On y toucha le moins possible directement. Mais il fallait bien y toucher de façon indirecte, par l’impôt.

La question fiscale, sérieuse en tout temps dans un grand l’état. C’est particulièrement en une époque de révolution, où l’argent rentre difficilement dans les caisses publiques et en sort facilement. Elle était d’autant plus grave alors que le programme républicain, avant 1848, annonçait la ferme intention de modifier profondément le système d’impôts pratiqué par la monarchie constitutionnelle. Il prétendait dégrever les pauvres, ce qui ne pouvait se faire qu’en chargeant davantage les riches ou en réduisant les dépenses de l’État. Ce programme contenait bien, comme tous les pro- grammes d’opposition, des promesses d’économie, des engagements de diminuer le budget qui furent renouvelés par le Gouvernement provisoire. Mais quand a-t-on vu le budget diminuer ? Ce n’est pas en tout cas dans une