Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/82

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quartier général du parti catholique à Paris. C’est celui de Mme Swetchine, une grande dame russe, convertie au catholicisme et ardente comme une néophyte, salon qui, doublé d’une chapelle, a un faux air de sacristie et comme un mystique parfum d’encens. Joseph de Maistre est le grand homme (il est bon d’être mort pour passer grand homme) de cette antichambre mondaine du Paradis. Falloux en est l’homme d’action.

Rapporteur d’une sous-commission que le Comité du travail a chargé d’aller visiter les ateliers nationaux, renseigné aussi par Émile Thomas, il présente d’urgence à la Chambre, le 29 mai, un projet de décret.

Il y rend hommage à la pensée mère de l’institution. Il innocente les fondateurs et les administrateurs actuels de l’œuvre. Il fait peser toute la responsabilité du mal sur les ouvriers mêmes qui, pervertis ou subjugues par des camarades, refusent le travail qu’on leur offre, au point qu’une commande venue des colonies a dû être transportée à l’étranger. Il conclut à l’adoption des quatre mesures suivantes :

1° Le travail à la tâche sera substitué au travail à la journée ;

2° Des crédits spéciaux seront votés pour hâter, par voie d’avances et de primes, la reprise des travaux communaux, départementaux et privés ;

3° Une feuille de route, pour eux et leur famille, sera délivrée aux ouvriers séjournant depuis moins de trois mois dans le département de la Seine. Une indemnité de déplacement leur sera distribuée, moitié pendant le trajet, moitié à leur lieu de destination ;

4° Le décret est applicable aux villes et aux communes des départements qui en feront la demande.

Ces conclusions ont été adoucies par le Comité du travail : car Falloux lui avait d’abord demandé (25 mai) l’enrôlement des ouvriers âgés de 18 à 25 ans et le pasteur Coquerel avait réclamé la dissolution immédiate. Elles sont relativement modérées. Mais les considérants le sont beaucoup moins. Ils représentent les ateliers nationaux comme une grève permanente et volontaire à 170.000 francs par jour, où l’oisiveté est devenue une doctrine qui s’impose par la violence à ceux mêmes qui veulent travailler ; comme un foyer actif de fermentation politique ; comme une dilapidation quotidienne des deniers publics ; comme un milieu corrupteur pour la classe ouvrière. La discussion (30 mai) ajoute à ces duretés. Deux grands manufacturiers, Sevaistre et Grandin, citent des ouvriers en papiers peints, des serruriers, des chapeliers, des giletières, qui se maintiennent en grève grâce à la paye qu’ils touchent chaque jour ; et, généralisant des faits particuliers, ils déclarent que le travail ne manque pas dans les ateliers, mais qu’un pouvoir occulte, exerçant une sorte de terreur morale, éloigne les ouvriers disposés à l’accepter. Ils accusent la masse de mettre son espoir dans un cataclysme et ils disent au Gouvernement : « Ou faites l’organisation du travail ou maintenez l’ordre. Pas de demi-mesure ! » Joigneaux, Benoît, Michot, Raynal leur répondent en opposant aux faits allégués des faits contraires : « Pour la mécanique on a