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sement le siège de Pampelune ; mais la nouvelle que la paix était conclue arrêta le hostilités. C’était à Bâle que la signature du traité de paix avait enfin eu lieu, le 4 thermidor an III (22 juillet 1795), entre Barthélémy pour la France et Yriarte pour l’Espagne, sur la base équitable de l’intégrité du territoire des deux nations. L’Espagne cédait seulement à la France la partie de Saint-Domingue qu’elle possédait. Ce traité était ratifié, le 14 thermidor (1er août), par la Convention et, le 4 août, par le roi d’Espagne qui, à cette occasion, octroya à Godoy le titre de Prince de la Paix. Les armées des Pyrénées ne tardèrent pas à être dissoutes ; celle des Pyrénées orientales rejoignit l’armée d’Italie et 20 000 hommes de celle des Pyrénées occidentales gagnèrent l’Ouest.

Le Portugal, que gouvernait le futur Jean VI, au nom de sa mère la reine Marie Ire qui était folle, avait fourni quelques régiments à l’Espagne et quelques vaisseaux à l’Angleterre. Il fit faire des propositions de paix au comité de salut public qui, en présence de sa neutralité de fait, ne se hâta pas de conclure avec lui.

La plupart des États italiens manifestaient à l’égard de la République française une hostilité que l’Angleterre surtout s’efforçait de surexciter, mais que tendait prudemment à tempérer la conscience de leur faiblesse. Le grand-duc de Toscane, Ferdinand III, était le frère de l’empereur François II ; lors de la coalition contre la France, guidé plus par l’intérêt de ses sujets, grands commerçants, que par son goût, il avait gardé la neutralité qu’il ne rompit (octobre 1793) que sur l’injonction de l’Angleterre menaçant de bombarder Livourne et confisquant une grande quantité de blé achetée pour la France. Les victoires de la République lui inspirèrent une frayeur qui le poussa d’autant plus à chercher à rentrer en grâce auprès d’elle que les exigences financières de l’Autriche lui paraissaient ruineuses. Dès que la République le lui permit, il envoya officiellement le comte Carletti à Paris pour négocier la paix. Celle-ci fut signée le 21 pluviôse an III (9 février 1795). Avec une modération louable, la Convention n’imposa au grand-duc que l’obligation de restituer l’équivalent des blés confisqués par l’amiral anglais Hervey ; elle ratifia, le 25 pluviôse (13 février), le traité qui était le premier conclu par elle avec une des puissances de la coalition, et Carletti resta à Paris comme représentant de la Toscane.

Les républiques oligarchiques de Lucques — enclavée dans la Toscane — par impuissance, de Gênes, par cupidité commerciale, de Venise par économie, n’aspiraient qu’à conserver leur neutralité en étant bien avec tout le monde. Leurs faibles ressources rendaient les ducs de Parme et de Modène insignifiants. Naturellement, le pape Pie VI abhorrait la Révolution, mais sa force n’était pas au niveau de sa haine. C’était le cas aussi du roi des Deux-Siciles, Ferdinand IV ; s’il était excité contre la France par sa femme Marie-Caroline sœur de Marie-Antoinette, il était retenu par la peur.