Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Conseils par voie de message, promulguait les lois et veillait à leur exécution ; il avait la faculté d’inviter les Cinq-Cents à prendre certaines mesures, sans pouvoir lui-même les présenter rédigées en forme de lois, et l’initiative des propositions de guerre et de traité qui, pour aboutir, devaient être ratifiées par le Corps législatif ; il disposait de la force armée qui, sauf réquisition ou autorisation du Corps législatif, devait être tenue à 60 kilomètres du lieu où celui-ci siégeait ; il avait le droit de décerner des mandats d’arrêt. La Trésorerie nationale, chargée de la surveillance des recettes et des dépenses publiques, était soustraite à son action et confiée à cinq commissaires spéciaux élus par le Corps législatif.

Les juges, nous l’avons vu plus haut, même ceux du tribunal de cassation, étaient élus, de même que les jurés de la Haute Cour appelée, le cas échéant, sur la proposition des Cinq-Cents et la décision des Anciens, à juger les membres des Conseils ou du Directoire coupables de faits criminels. Étaient également élues, l’administration centrale de chaque département qui était composée de cinq membres, subordonnés toutefois au pouvoir central, et les administrations municipales ; en règle générale il n’y en avait qu’une par canton. C’était là une tentative curieuse pour obvier au morcellement du territoire en innombrables communes que leur petitesse et, par suite, l’insuffisance de leurs ressources condamnent à l’impuissance la plus fâcheuse pour leurs habitants : la force utile, en effet, n’est pas dans une indépendance mesquine et trompeuse, mais dans la réunion et dans la cohésion des efforts. La persistance et la multiplication en tous ordres des petits groupements et de leur particularisme égoïste tiennent surtout à la crainte qu’éprouvent ceux qui sont ou aspirent à être à leur tête, leurs membres agissants et dirigeants, de ne pouvoir l’emporter aussi aisément sur un champ d’action agrandi et de rester dans le rang. Afin de conserver leur petit bout de rôle sur la scène, il leur faut, et ils n’y manquent pas, attiser de toutes les manières l’esprit de clocher ou de coterie sans lequel ils ne seraient rien. Beaucoup à cause de cela, peut-être encore parce que le canton n’était qu’une unité arbitraire, la tentative ne semble pas avoir été du goût de la masse menée et abusée par une minorité. Le canton — on comptait, pour la même étendue territoriale, un peu plus du double du nombre actuel de cantons, tout aussi factices, d’ailleurs, que les premiers — devenait ainsi la véritable unité administrative, et les districts — eux aussi en plus grand nombre que nos arrondissements auxquels, administrativement, ils correspondaient — étaient supprimés. Cependant chaque commune comprenant de 5 000 à 100 000 habitants avait une administration municipale spéciale, les communes de plus de 100 000 habitants au moins trois — ce fut le cas de Lyon, Marseille et Bordeaux — et Paris douze municipalités, composées chacune de sept membres, avec un « bureau central pour les objets jugés indivisibles par le Corps législatif », tels que devaient l’être (loi du 19 vendémiaire an IV-