Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/146

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rober « aux plébéiens jusqu’à la propriété de leurs plaintes ». En même temps, ils flattaient le monde de la banque et du commerce trop généralement disposé, par son amour aveugle du gain, à appuyer, sous des prétextes divers, le parti de la clientèle riche ; ils se gardaient bien, par exemple, de prévenir les nouveaux enrichis qu’un de leurs vœux était l’annulation des ventes des biens nationaux. D’une déposition recueillie en Vendée dès le 20 et 21 fructidor (6 et 7 septembre), il résultait que, dans le camp royaliste, on attendait prochainement un mouvement contre-révolutionnaire à la fois à Paris et en Vendée (Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. V, p.377, et Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. II, p. 64) : par les assemblées primaires, avec une apparence de régularité, ou sans elles, par la force, les monarchistes et les cléricaux se préparaient à prendre le pouvoir et ils se croyaient d’autant plus assurés de réussir que les décrets seraient repoussés.

La majorité des sections de Paris dont, après les journées de Prairial on avait arbitrairement écarté tous les éléments révolutionnaires et que dirigeaient dès cette époque des « personnes bien connues pour être royalistes… assez communes à Paris » (Mémoires, de d’Andigné, t. Ier, p. 190 et 197), approuvait le mouvement fomenté par les royalistes. La section Lepeletier (quartier Vivienne) fut le centre de l’agitation. « C’était le quartier de l’argent et pourtant du courage », a constaté (Dix Années d’épreuves, p. 258), avec un compliment amusant, mais excessif on le verra plus loin, Lacretelle jeune qui, le 11 fructidor (28 août), en qualité d’orateur de la section des Champs-Élysées, protestait arrogamment devant la Convention contre le maintien des deux tiers. Le 20 fructidor (6 septembre), jour de la réunion des assemblées primaires, la section Lepeletier vota un « acte de garantie » portant « que le peuple assemblé,… les pouvoirs de tout corps constituant cessent » (Moniteur du 24 fructidor-10 septembre), ce qui équivalait à la proclamation de la déchéance de la Convention ; de nombreuses sections adhérèrent aussitôt et résolurent de former un comité central. Le lendemain (7 septembre), la Convention interdit la réunion de tout comité central ; les sections déclarèrent casser ce décret et la Convention laissa faire, attendant, avant de prendre une mesure, de connaître le résultat du vote, que voici, non compris le vote des armées, avec les rectifications faites cinq jours après. Il y eut, pour la Constitution, 1 057 390 suffrages, contre 49 978 ; pour les décrets des 5 et 13 fructidor, 205 498, contre 108 784. Constitution et décrets furent, le 1er vendémiaire an IV (23 septembre 1795), déclarés lois de la République, et l’ouverture des assemblées électorales fixée au 20 (12 octobre). Le vote devait se faire au scrutin de liste et à la majorité absolue des votants pour le premier tour et, s’il y avait lieu, pour le deuxième. Dans le cas où ces deux tours ne donneraient pas de résultat complet, il serait procédé à un troisième et, pour ce vote définitif, les articles 11, 12 et 13 du titre 3 de la loi du 25 fructidor an III (11 septembre 1795) imaginaient un système assez compliqué. Il y aurait deux urnes et chaque