Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/174

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« de nombreuses réclamations ». Comme l’a constaté Jaurès (Histoire socialiste, t. IV, p. 1576 à 1582), les paysans pauvres et le parti avancé étaient partisans du partage ; de même, ce n’est pas de leur côté que vinrent les réclamations ; on n’a, pour s’en convaincre, qu’à lire ce qui fut dit au Conseil des Cinq-Cents le 26 fructidor an IV (12 septembre 1796).

Garran-Coulon exposa que les lois sur le partage des communaux « ont servi de prétextes aux anarchistes pour dépouiller les propriétaires de leurs plus anciennes possessions ; pour dépiécer les plus beaux domaines, au détriment de l’agriculture ; pour dévaster d’immenses pâturages, sans produire les défrichements qu’on en attendait ; pour occasionner enfin des procès interminables dans une quantité de départements »… parce que beaucoup de communes avaient « dû perdre les titres de leurs propriétés et de leurs droits. D’un autre côté, les communaux, par leur état d’inculture, n’offrent le plus souvent, pour supplément aux titres, que des preuves de possession très incertaines. Il n’est pas toujours facile de distinguer les faits de jouissance qui peuvent y constater la possession des communautés, d’avec l’exercice de la vaine pâture que nos lois ont, autorisée, dans presque toute la France, sur les propriétés privées lors, du moins, qu’elles ne sont pas closes ». Et Bergier ajouta qu’il « regarde la loi sur les biens communaux comme anarchique, comme subversive du droit de propriété, comme un essai de loi agraire fait par Robespierre pour démoraliser les non propriétaires et les armer contre les propriétaires ».

L’approvisionnement des citoyens continua à être un service public au début de notre période. Ce régime aurait dû cesser, en droit, à partir du 4 nivôse an III (24 décembre 1794), date de la loi qui abrogeait le maximum et rendait sa liberté à la spéculation commerciale, ou, tout au moins, un mois après, puisque l’art. 5 de cette loi permettait pendant ce délai aux districts de requérir l’apport d’une quantité suffisante de grains sur les marchés pour le cas où ceux-ci ne seraient pas approvisionnés normalement. Mais, en fait, pour les grandes villes, il n’en fut rien et le gouvernement dut encore pendant quelque temps se charger du soin de les alimenter. Il jugea, en effet, qu’il serait imprudent au point de vue de sa sécurité, à un moment où les grains atteignaient des prix excessifs, où les cultivateurs s’attachaient à ne livrer à la consommation que de faibles quantités afin de maintenir les hauts prix, de cesser subitement toute distribution, de ne pas aider les grandes villes à subvenir aux besoins de la partie de la population dénuée de ressources. Le 17 nivôse an III (6 janvier 1795), la « commission de commerce et approvisionnements » fut supprimée, sur la proposition de Boissy d’Anglas, mais remplacée par une « commission des approvisionnements » qui, divisée en trois agences, avait à diriger tous les achats à faire pour le compte de la nation ; nous avons vu (chap. vi et vii) comment elle s’acquitta de sa mission de nourrir la classe ouvrière de Paris. Il y eut de telles fraudes que, le 15 fruc-