Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/187

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exécution — que les biens confisqués des prêtres déportés seraient rendus à leurs familles, bannit à perpétuité les prêtres condamnés à la déportation et rentrés, et interdit l’exercice du culte dans un lieu quelconque, public ou privé, aux ecclésiastiques qui n’avaient pas accompli ou avaient rétracté plus ou moins l’acte de soumission mentionné dans la loi du 11 prairial. Quelques jours après, par la loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre) sur la police des cultes, furent complétées et codifiées les mesures qui les concernaient. Cette loi, conforme à la Constitution de l’an III, punissant ceux qui troublaient les cérémonies ou outrageaient les ministres des cultes, défendait aux communes de les subventionner, prohibait toute manifestation religieuse extérieure et exigeait de tout prêtre la signature de la déclaration suivante : « Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain et je promets soumission et obéissance aux lois de la République ». En somme, les prêtres pouvaient librement exercer leur religion, à la condition de s’en tenir à elle et de ne pas violer la liberté des autres, ce qui a toujours été pour nos cléricaux une des formes du martyre. L’insurrection du 13 vendémiaire fut la cause d’une plus grande rigueur contre les prêtres factieux et j’ai déjà indiqué, à la fin du chapitre x, qu’une loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) ordonna la stricte application des lois de 1792 et de 1793 qui les visaient.

Les sévérités motivées par l’insurrection de Vendémiaire durèrent peu et, au début de 1796, le Directoire était plutôt indulgent à l’égard du clergé qui aussitôt en abusa. En l’an IV (1796), dans la Haut -Garonne, un prêtre dit qu’il faut « restituer les biens nationaux acquis » (Ibidem, t. XLI, page 225 note). Le rapport de police du 6 ventôse an IV (25 février 1796) porte : « Des prêtres se permettent de courir dans les maisons où il y a des malades et veulent les forcer de se confesser, entre autres le curé de l’église Médard, et ils vont jusqu’à maltraiter les malades qui refusent de les écouter. Les sœurs hospitalières refusent leur secours à ceux qui, suivant elles, ne croient pas en Dieu ou ne veulent pas se confesser » (recueil souvent cité de M. Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, t. III, p. 9). Déjà le rapport du 29 frimaire an IV (20 décembre 1795) avait signalé ce système d’intolérance : « Les ci-devant sœurs grises, rue du Pot-de-Fer, faubourg Germain, s’étudient à inspirer aux enfants qu’elles élèvent, la plus grande aversion pour le Corps législatif et le Directoire. Sitôt qu’un enfant se permet d’en parler en bien, il est congédié sans miséricorde » (Idem, t. II, p. 542). Ceci tend en même temps à prouver que la comédie de sécularisation que noue voyons jouer, n’est pas chose nouvelle ; « les ci-devant sœurs grises » avaient simplement laïcisé leurs frusques et usé de cette liberté, si chère à certains, de narguer la loi. Ce n’a certainement pas été là un fait isolé. Comme l’a écrit M. Debidour dans son Histoire des rapports de l’Église et de l’État en France, (p. 154) : L’Église « n’usa de la liberté que pour mener une guerre