Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blement supprimé « toutes les corporations religieuses et congrégations séculières d’hommes et de femmes, ecclésiastiques ou laïques », et cela après la loi des 13-19 février 1790 supprimant « les ordres et congrégations régulières ». En outre, l’art. 2 de la section III portait : « les citoyens et citoyennes qui se borneront à enseigner à lire, à écrire et les premières règles de l’arithmétique, seront tenus de se conformer, dans leurs enseignements, aux livres élémentaires adoptés et publiés à cet effet par la représentation nationale ». La liberté de l’enseignement primaire, telle qu’elle était conçue alors, ne comportait donc ni l’enseignement par les congrégations, ni la liberté des méthodes

Pendant qu’elle fut en vigueur, sur 551 districts, 67 seulement auraient eu « quelques écoles primaires », d’après Grégoire (rapport du 14 fructidor an 11-31 août 1794) ; mais, d’une étude de M. James Guillaume dans le recueil des Procès-verbaux du Comité d’instruction publique (t. IV) il ressort que Grégoire a calomnieusement rabaissé l’état de l’instruction primaire en l’an II. La loi du 27 brumaire an III (17 novembre 1794), rédigée par Lakanal, si elle maintenait les principes de la laïcité et de la gratuité, supprimait celui de l’obligation, tout en excluant (art. 14, chap. iv) « de toutes les fonctions publiques » ceux qui, n’ayant pas fréquenté ces écoles, ne seraient pas reconnus avoir « les connaissances nécessaires à des citoyens français ». Le traitement des instituteurs était fixé à 1 200 livres, celui des institutrices à 1 000, pour toute la France, sauf dans les villes de plus de 20 000 habitants où les premiers devaient toucher 1 500 livres et les secondes 1 200. Il devait y avoir une école primaire par mille habitants ; chaque école comportait deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles, et avait, par conséquent, un instituteur et une institutrice ; le programme était un peu plus étendu que celui, réduit à la plus simple expression, de la loi du 29 frimaire an II.

Au point de vue de la liberté de l’enseignement, la loi du 27 brumaire an III réagissait contre le système de la loi précédente. Dans son chapitre iv déjà cité, l’art. 15 était ainsi conçu : « La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu’ont les citoyens d’ouvrir des écoles particulières et libres, sous la surveillance des autorités constituées » ; et, pour bien marquer que les restrictions, mentionnées tout à l’heure, de la loi du 29 frimaire an II, étaient supprimées, l’article suivant (art. 16) ajoutait : « La Convention nationale rapporte toute disposition contraire à la présente loi ».

Par la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), dont le rédacteur fut Daunou, le principe de la gratuité était à son tour éliminé : les instituteurs étaient simplement logés, une somme annuelle pouvait être substituée au logement par l’administration départementale qui fixait la rétribution à payer pour les élèves et qui avait la faculté d’exempter de cette rétribution un quart de ceux-ci « pour cause d’indigence ». Le nombre des écoles était diminué ; on n’en exigeait plus une par mille habitants, on se bornait à dire vague-