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ment qu’il y en aurait une ou plusieurs par canton, au gré des administrations de département auxquelles l’État abandonnait à cet égard ses prérogatives. Le programme était restreint : on ne laissait, avec la lecture, l’écriture et le calcul, que « les éléments de la morale républicaine » ; les notions de géographie, d’histoire et de sciences naturelles indiquées par la loi du 27 brumaire an III, étaient biffées. Il n’était question ni des filles, ni des institutrices ; mais Lakanal répara cet oubli en faisant voter, le même jour, une loi spéciale divisant toutes les écoles primaires en deux sections, garçons et filles, et maintenant dans toutes une institutrice à côté de l’instituteur.

Cette loi elle-même ne contenait rien au sujet de la liberté de l’enseignement. Dans son rapport lu à la séance du 27 vendémiaire an IV (19 octobre 1795), Daunou avait mis : « Nous nous sommes dit : liberté d’éducation domestique, liberté des établissements particuliers d’instruction. Nous avons ajouté : liberté des méthodes instructives ». C’est que la Constitution de l’an III s’exprimait ainsi (art. 300) : « Les citoyens ont le droit de former les établissements particuliers d’éducation et d’instruction, ainsi que des sociétés libres pour concourir aux progrès des sciences, des lettres et des arts ».

Il fut dit au Conseil des Cinq-Cents, le 27 brumaire an VI (17 novembre 1797), qu’il existait à peu près 5 000 écoles primaires ; c’était peu et ce nombre alla en décroissant. Suivant le compte rendu fait vers la même époque sur l’an V (1796-1797), par les administrateurs du département de la Seine (recueil de M. Aulard, t. IV, p. 348-349), il n’y avait que 56 écoles primaires, une de garçons et une de filles, pour chacun des 12 arrondissements de Paris et des 16 cantons de la banlieue ; elles avaient reçu, en l’an V, de 1 100 à 1 200 élèves. D’un rapport sur les neuf premiers mois de l’an VI-septembre 1797 à mai 1798 (Ibid., t. IV, p. 734), il résulte que les écoles particulières étaient beaucoup plus nombreuses et plus fréquentées que les écoles publiques ; il y en avait « plus de 2000 » dans la Seine. D’après un compte rendu des administrateurs de ce département pour les quatre derniers mois de l’an VI (mai-septembre 1798), les écoles primaires étaient plus fréquentées à la fin de l’an VI qu’au début de cette année ; mais cela tenait surtout à ce que la plupart des enfants y avaient été reçus gratuitement et, « pour cimenter irrévocablement leur succès, ajoutait-on, il conviendrait qu’elles fussent absolument gratuites et que les instituteurs eussent un traitement fixe » (Ibid., t. V, p. 115) - Le tableau de la situation du département de la Seine, en germinal an VII (mars-avril 1799), constate que, « à Paris, les écoles primaires sont toujours moins fréquentées que les écoles particulières » (Ibidem, t. V, p. 478).

Dans un rapport du 3 fructidor an VII (20 août 1799), le commissaire du Directoire près de l’administration centrale des Bouches-du-Rhône écrivait : « L’instruction publique est totalement négligée, l’éducation des enfants est confiée à des prêtres républicains et à quelques ex-religieuses. Les élèves n’ont que des livres relatifs au fanatisme, aucun ne connaît un seul article des