Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/199

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après les élections royalistes de l’an V (chap. xv), dans la séance du Conseil des Cinq-Cents du 12 prairial (31 mai 1797), le réacteur Dumolard essaya de renverser ce qui avait été fait en matière d’instruction publique, c’est un partisan, Beytz, de sa proposition qui l’avoua : « Si les établissements actuels, dit-il, ne marchent pas, la cause est dans le manque de fonds ». Déjà, le 11 germinal an IV (31 mars 1796), le royaliste Barbé-Marbois s’était extasié au Conseil des Anciens devant les « petits frères » donnant « leurs soins aux petits garçons » ; et, aux Cinq-Cents, le 17 fructidor suivant (3 septembre 1796), lui faisant écho, le girondin Mercier avait profité d’un rapport à présenter sur une question accessoire pour entamer le procès de « l’instruction publique » qui « est un beau fantôme » : « Rappelez les frères ignorantins, écrivait-il,… favorisez les instituteurs de toute espèce, mais que la République ne les salarie point » ; de nos jours, le fédéraliste — ou séparatiste (Temps, du 16 décembre 1903) — Jules Lemaître a repris à son compte cette bonne parole et demandé à son tour « la suppression du budget de l’instruction publique » (Écho de Paris, du 18 juin 1901).

Aussi le tableau de la situation du département de la Seine pour la fin de l’an VI (août-septembre 1798) porte que les prêtres, « si l’on n’y prend garde, vont s’emparer de l’instruction de l’enfance et de la jeunesse. Tous se font instituteurs » (recueil de M. Aulard, t.V, p. 99). Ce tableau pour vendémiaire an VII (septembre-octobre 1798) signale que « beaucoup de ci-devant religieuses se sont faites institutrices et se conduisent encore comme si elles étaient dans leur couvent » (Ibid., t. V, p. 169). Le clergé, en effet, comprenait l’intérêt qu’il avait à accaparer l’instruction, et il usait de tous les moyens contre les écoles publiques, allant jusqu’à reprocher à leurs maîtres l’immoralité qui caractérisait si souvent les siens (voir le témoignage de Fourcroy cité dans le §3). Ce fut malheureusement en vain que Monmayou proposa aux Cinq-Cents, le 28 ventôse an VI (18 mars 1798), d’exclure de l’enseignement public « tous ceux qui ont fait vœu d’observer le célibat » et qui, aurait-il pu ajouter, par les dogmes dont ils refusent de s’abstraire, portent délibérément atteinte à la liberté de la raison.

Le Directoire finit par se préoccuper des progrès de l’influence cléricale : l’arrêté du 27 brumaire an VI (17 novembre 1797), après avoir exigé des aspirants fonctionnaires non mariés « un certificat de fréquentation de l’une des écoles centrales de la République » dont je vais parler, subordonna, pour les individus mariés et ayant « des enfants en âge de fréquenter les écoles nationales », la nomination à une place quelconque, à un certificat de présence de leurs enfants dans ces écoles. L’arrêté du 17 pluviôse an VI (5 février 1798) enjoignait aux municipalités d’inspecter, aussi bien au point de vue politique qu’au point de vue matériel, les écoles privées au moins une fois par mois, et de veiller, en particulier, à ce qu’elles observassent le décadi. Cette dernière tâche n’avait rien d’essentiel. En rétribuant de bons instituteurs, en