Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/200

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rétablissant la gratuité de l’instruction, en entrant dans la voie indiquée par Monmayou, le Directoire aurait plus efficacement agi contre l’influence cléricale qu’en s’acharnant à imposer la célébration du décadi, et, finalement, — les deux citations du recueil de M. Aulard faites dans l’alinéa précédent le prouvent — il ne réussit guère à entraver les progrès de l’enseignement clérical. Il semble cependant avoir voulu, à un moment, entrer dans cette voie. Dans un message, le 3 brumaire an VII (24 octobre 1798), il se prononçait en faveur d’un traitement fixe des instituteurs (p. 5) et ajoutait (p. 11) : « Il paraît nécessaire d’établir que nul ne pourra exercer en même temps les fonctions de ministre d’un culte quelconque et celles d’instituteur ». Car « comment des hommes qui professent par état des dogmes incompatibles avec la tolérance » (p. 11), disait le Directoire, pourraient-ils respecter le libre développement de la raison qui est le but de l’enseignement ?

L’expression liberté d’enseignement me paraissant trop équivoque, je dirai : droit d’enseigner pour tous, tant qu’on voudra, à l’égard de ceux qui, étant majeurs, sont censés avoir le discernement nécessaire ; mais, à l’égard des mineurs, la seule liberté, le seul droit à considérer, ce sont les leurs qui sont incompatibles avec un enseignement ayant le dogme, c’est-à-dire l’interdiction de l’examen et l’ordre de croire, pour point de départ. Aussi le choix de ceux qui reçoivent l’autorisation d’enseigner aux enfants, ne peut appartenir qu’à l’État sur l’orientation duquel agissent, d’ailleurs, les pères en tant qu’électeurs.

Dans ce même message, le Directoire indiquait un défaut d’organisation qui n’a pas encore complètement disparu : l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire ne sont pas suffisamment liés ; « le vide, disait-il (p. 10), qui sépare ces deux degrés d’instruction paraît trop considérable ». Je signale aux modérés du jour que ce message était signé par le modéré Treilhard en sa qualité, à cette époque, de président du Directoire.

En outre des écoles primaires, il y eut quelques établissements subventionnés par l’État pour certaines catégories d’enfants. En l’an II, dans l’ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs, où est aujourd’hui le Conservatoire des Arts et Métiers, avaient été réunis, sous la direction de Léonard Bourdon, « les orphelins des défenseurs de la patrie ». L’arrestation de Bourdon à la suite des événements du 12 germinal an III-1er avril 1795 (chap. vii) amena la Convention à fusionner les établissements de ce genre, « instituts du ci-devant prieuré Martin et de Popincourt », et à ordonner de transférer à l’ancien château de Liancourt (Oise) « les enfants des soldats morts pour la défense de la patrie appartenant à des familles indigentes, ceux des ouvriers tués ou blessés dans l’explosion de Grenelle, ceux des habitants indigents des colonies françaises qui ont été victimes de la Révolution, ceux des soldats sans fortune en activité de service » (20 prairial an III-8 juin 1795). Le 30 (18 juin), sur la proposition de Plaichard-Chottière, au nom du comité d’ins-