Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/218

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faire bénéficier de leur silence inique tous ceux qui tentèrent d’enrayer le mouvement démocratique. Ah ! si Mercier, au lieu d’avoir été un Girondin, avait été un Jacobin ou un Montagnard, quel étalage indigné de leur amour de l’art n’aurions-nous pas eu à propos de cette phrase écrite dans un rapport ridicule, qu’elle ne dépare pas, au Conseil des Cinq-Cents, le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796) : « C’est le refrain éternel de la folie de crier au vandalisme, parce que l’on a mutilé des monuments périssables ». Si M. Courajod n’a pas reproché cette phrase à Mercier, il est vrai qu’il a signalé une autre opinion de celui-ci, mais pour la reprocher aux républicains avancés de la Révolution. Mercier ayant, avant 1789 (L’École royale des élèves protégés, p. lxxxvii), combattu l’institution d’écoles gratuites de dessin, M. Courajod traduit : « voilà ce que les révolutionnaires pensaient des arts en général » ; puis, prévoyant l’objection que suscite un pareil procédé, il se borne à déclarer péremptoirement à la page suivante : « qu’on ne m’objecte pas que je rends la Révolution injustement responsable des opinions personnelles d’un excentrique écrivain dont l’orthodoxie démagogique est suspecte », et il maintient son inqualifiable généralisation. Laissons les gens d’une partialité si difficile à satisfaire et voyons les actes.

Les Archives nationales installées au Louvre en vertu de la loi du 20 février 1793, avaient été organisées par la loi du 7 messidor an II (25 juin l794) ; mais c’est un arrêté du 5 floréal an IV (24 avril 1796) qui constitua pour Paris le bureau de triage auquel en grande partie fut dû leur classement. Pour la province, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) avait décidé le transport aux chefs-lieux des départements des archives précédemment centralisées aux chefs-lieux des districts.

Une loi du 25 vendémiaire an IV (17 octobre 1795), sur l’organisation de la Bibliothèque nationale, ancienne Bibliothèque du roi, mettait à sa tête huit conservateurs, deux pour les imprimés, trois pour les manuscrits, deux pour les antiques, médailles et pierres gravées et un pour les estampes, qui, tous les ans, désignaient parmi eux un directeur. La Bibliothèque Sainte-Geneviève saisie comme bien de corporation religieuse et nationalisée, était devenue la « Bibliothèque du Panthéon », qui servit alors surtout aux écoles centrales ; la Bibliothèque Mazarine, devenue la « Bibliothèque des Quatre-Nations », resta ce qu’elle était. En frimaire an III (décembre 1794), avait été, grâce notamment aux collections du comte d’Artois, constitué le « dépôt national littéraire de l’Arsenal », qu’un arrêté du Directoire, du 9 floréal an V (28 avril 1797), transforma en « Bibliothèque nationale et publique de l’Arsenal ». Toutes ces bibliothèques purent, en vertu de la loi du 26 fructidor an V (12 septembre 1797) et de diverses circulaires ministérielles, avec certains privilèges spéciaux pour la Bibliothèque nationale, s’accroître en puisant dans les dépôts provisoires où avaient été placées les bibliothèques des émigrés et des communautés ecclésiastiques. La bibliothèque de l’ancienne abbaye de