Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/220

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ouverte au public le 15 fructidor an III (1er septembre 1795). Il n’est que juste de louer Lenoir de son initiative et de sa persévérance ; mais on doit dire aussi, malgré la malveillance de M. Courajod, qu’il fut heureusement autorisé, puis félicité de son « zèle », par le comité d’instruction publique de la Convention (Alexandre Lenoir, etc., p. clxii, note) dont l’arrêté du 29 vendémiaire an IV (21 octobre 1795) — arrêté confirmé par le ministre de l’Intérieur le 19 germinal an IV (8 avril 1796) — transforma le « dépôt national des monuments des arts rue des Petits-Augustins » (sur l’emplacement actuel de l’École des Beaux-Arts, rue Bonaparte) en un « Musée de monuments français ».

D’autre part, un arrêté du 9 thermidor an III (27 juillet 1795) ordonna la réunion dans l’ancien couvent de Saint-Thomas-d’Aquin des éléments du Musée d’artillerie dispersés en 1789.

Les manufactures des Gobelins et de Sèvres furent conservées, mais ne reçurent que des fonds très insuffisants. Cependant la production continua puisque le jury de l’exposition de l’an VII (voir §8) déclarait qu’il n’y avait ailleurs « rien de comparable aux produits étonnants de Sèvres » (Moniteur du 2 brumaire an VII-23 octobre 179S).

Aux actes en faveur des choses, il faut joindre les actes en faveur des personnes : en l’an III, par trois décrets en date du 17 vendémiaire, 27 germinal et 18 fructidor (8 octobre 1794, 16 avril et 4 septembre 1795), la Convention alloua 605 500 livres en secours ou gratifications à des savants, gens de lettres et artistes.

Conformément à l’art. 301 de la Constitution de l’an III, la loi du 3 brumaire an IV sur l’instruction (titre vi) avait institué sept fêtes nationales par an, en l’honneur de la République, de la Jeunesse, des Époux, de la Reconnaissance, de l’Agriculture, de la Liberté (celle-ci durait deux jours) et des Vieillards. Ces fêtes devaient être célébrées dans chaque canton par des chants patriotiques, des discours sur la morale civique, des banquets fraternels et divers jeux publics. C’était là une tentative pour éliminer les fêtes religieuses et la religion catholique romaine, « en leur substituant des impressions nouvelles plus analogues à l’ordre de choses actuel, plus conformes à la raison et à la saine morale », pour employer les termes d’une lettre du Directoire à Bonaparte, citée par M. Aulard (Histoire politique de la Révolution française, p. 642). L’architecte Chalgrin eut la direction de ces fêtes à Paris de l’an IV à l’an VII (1795 à 1799).

À l’occasion de la fête de la Liberté, le 10 thermidor an IV (28 juillet 1796), on put constater que des généraux commençaient à se croire tout permis ; une revue calme, la Décade philosophique, écrivait, en effet, dans son n° du 20 thermidor an IV-7 août 1796 (t. x, p. 301) : « Des crocheteurs revêtus d’habits de généraux ont rudoyé le peuple de la manière la plus indigne… Il n’est pas impossible de maintenir l’ordre dans les fêtes, sans lâcher la bride à l’insolence de quelques militaires qui se prévalent de la force qu’on leur a