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Robinson avait obtenu un brevet à ce sujet ; mais on eut alors peu de confiance dans les procédés mécaniques appliqués au lin et au chanvre, dont la préparation et le filage restèrent une besogne des habitants de la campagne.

Pour la soie et son moulinage qui est, après le dévidage de la soie du cocon, son doublage et sa torsion au degré voulu, de façon à transformer la soie du cocon dévidée, dite soie grège, en fil de telle ou telle qualité, on avait le tour ou moulin à filer ordinaire et le tour peu usité de Vaucanson auquel s’ajouta, après le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796), date du brevet, le tour de Tabarin destiné, avec des perfectionnements de détail, à jouir d’une grande vogue. D’autre part, le tour de Vaucanson se répandit dans un plus grand nombre d’ateliers (De l’Industrie française, par Chaptal, t. II, p. 27).

Le tissage était déjà plus développé que le filage, aussi avons-nous à cet égard moins d’innovations à constater. Généralement, pour toutes les étoffes unies ou simplement rayées, le métier en usage était le métier dit à marches. La navette volante, avec son économie de matière, de temps et de main-d’œuvre, importée en France avant notre période par John Macloud, qui reçut les encouragements du gouvernement, était cependant encore peu usitée, disait Grégoire dans son discours à la Convention le 8 vendémiaire an III (29 septembre 1794) ; elle se répandit davantage les années suivantes et Macloud apprit, en outre, à quelques-uns de nos industriels à employer plusieurs navettes volantes pour le changement des couleurs dans le même tissu (L’Industriel, février 1827, p 233, notice par Pajol-Descharmes).

C’est en 1799 que François Richard et Lenoir-Dufresne, enrichis de leur propre aveu par l’agiotage sur les assignats et par le commerce de contrebande (Mémoires de M. Richard Lenoir, cités dans le paragraphe précédent), créèrent à Paris, rue de Bellefond, leur fabrique de basins qu’ils durent bientôt, pour l’agrandir, transporter rue de Thorigny et enfin à Charonne où elle devint célèbre sous la raison sociale Richard-Lenoir. Pour les tissus façonnés, on employait toujours le métier dit à la tire.

La bonneterie continuait à se servir du métier classique dit métier français, installé au château de Madrid (Neuilly-sur-Seine)en 1656, par Jean Hindret qui l’avait constitué de mémoire d’après le modèle de William Lee vu par lui en Angleterre. Ce métier que Poncelet (étude déjà citée, p. 414) regardait comme « un chef-d’œuvre de précision mécanique supérieur à tout ce que le moyen âge nous a légué en ce genre, si ce n’est la montre et l’horloge », manœuvré à la fois avec les pieds et les mains, était très fatigant. Il ne fut apporté à ce métier que des perfectionnements de détail ; intéressants cependant, ceux-ci facilitaient le tricot sans envers, à maille fixe, les ornements à jour, les côtes, etc. On ne tricotait que des surfaces planes qu’on cousait ensuite. Le premier brevet relatif à un métier circulaire pris en France fut celui de Decroix le 5 ventôse an IV (24 février 1796).

Toutes les machines dont il vient d’être question étaient construites