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du lycée des arts, inventions et découvertes, de vendémiaire an IV (septembre 1795), nous apprend que, dans la manufacture de papiers peints de la rue de Montreuil, de Jacquemard et Bénard, successeurs de Réveillon, des femmes sont employées et que ce sont des « petits enfants » qui exécutent le premier travail. Il en était de même dans une autre manufacture de papiers peints, celle de Robert, successeur d’Arthur que les thermidoriens avaient guillotiné en sa qualité d’ami de Robespierre. C’étaient des enfants (Chaptal, De l’industrie française, t. II, p. 27) qui, dans les métiers à tisser à la tire, tiraient les cordes de manœuvre. Le Journal des arts et manufactures nous dit (t. I, p. 113) que Japy, dans sa manufacture de mouvements d’horlogerie, à Beaucourt, près de Belfort, employait des enfants et des infirmes et (t. III, p. 521), à propos de la manufacture de faïence de Potter à Chantilly, que chaque tourneur ou modeleur avait toujours avec lui un ou deux jeunes enfants. Dans les manufactures d’épingles (Dictionnaire universel de commerce, de Buisson, t. Ier, p. 590), les épingles sont placées sur des papiers par des jeunes filles ou des enfants ; les habiles en plaçaient jusqu’à trente milliers par jour et gagnaient alors « quatre à cinq sous ». Dans le document que j’ai cité précédemment à propos de la filature Lachauvetière à Bordeaux, il était dit que la facilité de manœuvrer les machines de cet établissement mettait « à même de n’y employer que des femmes, des enfants et des estropiés ou des gens privés de la vue ».

À la séance du 5 ventôse an III (23 février 1795), il fut question d’un fabricant de toile à voiles établi à Bourges, Butel, qui sollicitait de la Convention l’autorisation de « tirer des hospices de Paris ou des départements 4 ou 500 jeunes filles âgées au moins de dix ans pour les employer à la filature » ; la Convention accorda l’autorisation avec certaines garanties dont l’exécution ne fut peut-être pas bien surveillée. Par traité approuvé le 2 fructidor au IV (19 août 1796), le Directoire accordait à Sykes — un des signataires de la pétition du 16 messidor précédent (4 juillet) mentionnée plus haut — propriétaire de la filature mécanique de coton sise à Saint-Rémy-sur-Avre, près de Nonancourt (Eure-et-Loire, 100 filles des hospices, dont 80 de neuf à dix ans, et 20 de quatorze à quinze. Il devait les garder jusqu’à vingt et un ans, leur donner l’instruction primaire ; les heures de travail ne devaient pas excéder 12 par jour ; « pour tenir lieu de salaire », ces jeunes filles devaient recevoir à leur majorité, les premières 250 francs, les secondes 150 francs, valeur métallique (Archives nationales, F14, 1302). En fructidor an V (août 1797), la manufacture Delaître, à l’Épine, près d’Arpajon, occupait 62 jeunes orphelines tirées des hospices et instruites, selon leur âge et leur capacité, « à tenir 24, 36, 40, même 48 fils (Magasin encyclopédique, t. XXVI. p. 115). Une lettre de Delaître, datée du 7 vendémiaire an VIII (29 septembre 1799) et publiée par la Décade philosophique du 30 ventôse-21 mars 1800 (t. XXIV, p. 520-522), nous apprend qu’il s’était mis, avec de bonnes inten-