Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/296

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bientôt, que Merlin (de Douai),— celui-là même qui, en qualité de rapporteur du comité de législation, avait, le 24 floréal an 11-13 mai 1794 (chap. Ier), fait déférer le jugement de condamnation au tribunal de cassation — devenu ministre de la Justice, écrivait, le 2 frimaire an IV (23 novembre 1795), à l’accusateur public de Laon pour avoir des renseignements sur les jugements rendus relativement à Babeuf ; et, le 20 (11 décembre), paraissait l’arrêté du Directoire mentionné plus haut, prescrivant au ministre de la Justice, qui l’avait probablement inspiré, « de dénoncer au commissaire du pouvoir exécutif près le tribunal de cassation l’état où se trouvent les procédures dont il s’agit, afin que, sur les réquisitions de ce commissaire, le tribunal de cassation puisse les envoyer devant un jury, d’accusation ». Le 29 frimaire (20 décembre), le tribunal de cassation confirmait son jugement du 25 ventôse (15 mars) et, conformément à la nouvelle loi pénale du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), renvoyait Babeuf devant le directeur du jury d’accusation de Compiègne « pour être par lui donné un nouvel acte d’accusation, s’il y avait lieu, et, en cas d’admission de l’accusation, Babeuf être traduit au tribunal criminel de l’Oise ». Par deux lettres du 8 nivôse an IV (29 décembre 1795), Merlin (de Douai), ministre de la Justice, ordonnait au commissaire près le tribunal de l’Aisne l’expédition immédiate du dossier au directeur du jury de Compiègne et prévenait celui-ci. Le 19 ventôse (9 mars 1796), le jury d’accusation de Compiègne déclarait qu’il y avait lieu à accusation, une ordonnance de prise de corps était rendue contre Babeuf et le dossier transmis au greffe du tribunal de Beauvais — lettre du commissaire du pouvoir exécutif près les tribunaux de l’Oise, Villemontey, au ministre de la police (Archives nationales, F7 7160-6202) — où je l’ai trouvé. Babeuf fut arrêté quelque temps après pour sa conjuration, et il ne fut plus question le moins du monde de l’autre procès : en réalité, au point de vue juridique, ce procès n’a été jugé ni contradictoirement, ni définitivement au fond, et la condamnation par contumace a été légalement cassée ; Babeuf n’est donc pas un condamné pour faux.

Avant de chercher à se débarrasser de Babeuf, on avait tenté de l’amadouer. À peine libre, il s’était occupé de la réapparition de son journal ; le 14 brumaire (5 novembre), Fouché, chez qui il s’était rendu sur une invitation de celui-ci, ayant pris connaissance du manuscrit du premier numéro, insista pendant deux heures pour que Babeuf consentît à retrancher certains passages ; en sa qualité d’ami et peut-être d’agent de Barras, il offrait de lui faire obtenir « six mille abonnements du Directoire » (lettre à Fouché, en date du 17 brumaire-8 novembre, dans le n° 35 du Tribun du peuple). Babeuf ne se laissa pas corrompre et c’est pourquoi le Directoire le fit poursuivre comme corrompu. Le lendemain de sa visite à Fouché (15 brumaire an IV-6 novembre 1795), paraissait le n° 34 du Tribun du peuple, Babeuf annonçait qu’il reprenait sa campagne contre les « créateurs d’une détresse au maxi-