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Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/302

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gande toute l’efficacité possible, en la rattachant, selon la vraie tactique, aux préoccupations de ceux qu’ils voulaient convaincre. Cette attitude réussit au point de vue de la propagande, mais échoua au point de vue pratique. Aussi les patriotes se détachèrent-ils du gouvernement qui ne tenait aucun compte de leurs réclamations à cet égard, en même temps que le nombre de leurs partisans augmentait ; et il augmentait non seulement parmi les ouvriers, mais encore parmi les soldats que travaillaient particulièrement les habitués du café Chrétien, rendez-vous d’anciens Conventionnels tels que Vadier, Léonard Bourdon, Choudieu, Javogues, et de l’ancien général Rossignol.

Le recrutement de la Société du Panthéon dans le milieu populaire et dans le milieu militaire inquiéta le gouvernement et ne fut pas étranger à la création du ministère de la police générale dont le premier titulaire, sur le refus de Camus, fut (14 nivôse-4 janvier) Merlin (de Douai), remplacé le lendemain à la Justice par le député Génissieu. Mais, le 14 germinal (3 avril), Merlin revenait à la Justice et Cochon devenait ministre de la police. C’était surtout le ministère et, en particulier, Benezech et Merlin, que les patriotes à ce moment attaquaient, ménageant encore le Directoire. Les ministres attaqués se plaignaient de cette situation, d’autant plus qu’ils ne se trouvaient pas suffisamment soutenus par ceux de leurs collègues qui étaient plus ménagés. Benezech, par exemple, demanda à son collègue des finances, Faipoult, de faire, sous réserve d’indemnité, évacuer par Cardinaux le local que celui-ci occupait et cédait à la Société du Panthéon. On envoya bien à Cardinaux, le 3 frimaire (24 novembre), une sommation de vider les lieux dans les vingt-quatre heures ; mais il ne bougea pas et fut laissé tranquille, ce dont Benezech se plaignait amèrement au Directoire au début de nivôse-fin décembre 1795 (Révolution française, revue, t. XXXIII, p. 339-340).

Le résultat de ces tracasseries sans effet fut de faire perdre du terrain aux modérés de la Société du Panthéon au profit des avancés. Cependant le moindre acte du Directoire contre les royalistes lui ramenait vite de nombreuses sympathies ; un rapprochement de ce genre venait de se produire, l’anniversaire du 21 janvier avait été, en vertu de la loi du 23 nivôse an IV (13 janvier 1796), solennellement fêté en commun, les membres des deux Conseils avaient dû « individuellement », aux applaudissements des patriotes, jurer « haine à la royauté », quand, quinze jours après, l’arrestation de la femme de Babeuf, par l’indignation qu’elle excita parmi les patriotes, permit aux membres de la Société qui étaient les adversaires déterminés du gouvernement, de reprendre le dessus : à la séance du 4 ventôse (23 février 1796), une collecte était faite pour secourir la femme de Babeuf dans sa prison, et, le 6 (25 février), sous la présidence de Buonarroti, Darthé lut le n° 40 du Tribun du peuple. À l’instigation, d’après Buonarroti (Conspiration pour l’égalité, t. Ier. p. 107, note), de Bonaparte qui, par cette attitude, se proposait de gagner les bonnes grâces de la bourgeoisie riche, le gouvernement