Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/303

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trouva là le prétexte que quelques-uns de ses membres cherchaient depuis longtemps, de dissoudre la Société. Un arrêté du 8 ventôse (27 février), communiqué par message le lendemain aux Cinq-Cents, ordonna sa dissolution ; étaient fermés du même coup, par simulation d’impartialité, une autre société populaire sans importance, trois petites sociétés royalistes et deux locaux affectés, plus ou moins régulièrement, à la comédie, un théâtre et une église. Le jour même du message, le 9 ventôse (28 février), le général en chef de l’armée de l’intérieur, Bonaparte en personne, procédait, avec un grand déploiement de troupes, à la clôture de la salle de la Société du Panthéon.

Certains patriotes occupaient encore des places ; c’était le seul lien rattachant le parti avancé au Directoire. Celui-ci ayant rompu avec le parti, se décida à rompre avec les membres du parti restés dans l’administration ; on en avait déjà écarté beaucoup, car nous lisons dans un rapport de police du 21 nivôse (11 janvier) qu’on se plaignait que « tous les employés destitués » à la suite des événements de Vendémiaire eussent été réintégrés dans leurs places (recueil d’Aulard, t. II, p. 647-648) : en vertu d’un arrêté du 27 ventôse (17 mars), des renseignements devaient être fournis sur les fonctionnaires publics, afin de procéder à une épuration écartant « et les prôneurs de la Constitution de 1791, et les partisans de celle de 1793 ». Les diverses fractions du parti avancé étaient toutes rejetées dans l’opposition.

Passons maintenant au parti royaliste. Des cinq membres du Directoire, seul Reubell, par suite d’absence, n’avait pas voté la mort de Louis XVI ; mais, avant le vote, il écrivit de Mayence pour se plaindre que « Louis Capet » vécût encore. Il est certain qu’au début du Directoire les cinq directeurs étaient hostiles aux royalistes ; ils rêvaient de gouverner, avec les modérés du centre, contre les patriotes de gauche et les royalistes de droite. Or, dès qu’on gouverne contre la gauche, on en arrive nécessairement, qu’on en ait ou non conscience et quelles que soient les apparences, à faire le jeu de la droite ; et c’est toujours de là qu’est sorti le véritable péril pour la République. Contre les royalistes avérés, on faisait fréquemment preuve d’une faiblesse qui n’était pas de nature à enrayer leurs manœuvres. Si l’agent royaliste Lemaître dont l’arrestation a été mentionnée à la fin du chapitre x, fut, le 18 brumaire (9 novembre), condamné à mort et fusillé, on ne sut ou on ne voulut pas dénoncer la vérité à la nation, lui montrer que ce n’était pas là une tentative isolée, que cette conspiration, que l’insurrection de l’Ouest, que l’organisation de l’assassinat dans le Midi, n’étaient que des actes divers d’un même plan de restauration monarchique. Quant aux royalistes à faux nez constitutionnel, aux ralliés de l’époque, on affectait d’être dupe de leur manège ; ils avaient commencé (chap. iii) à se réunir, après Thermidor, dans la maison d’un vieux royaliste nommé Boulin, dont le jardin devint le jardin Tivoli, au bas de la rue de Clichy, d’où le nom de « club de Clichy » donné à cette réunion qui ne devint nombreuse et