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ments ». Déjà, les 6 et 9 messidor (24 et 27 juin 1795), il était intervenu en sa faveur auprès du comité de salut public qui lui avait très justement répondu, le 17 (5 juillet), qu’ « un objet qui concerne notre propre administration ne peut être mis en discussion avec le représentant d’une puissance étrangère ». Cette fois, le Directoire se fâcha de pareille insistance et, par arrêté du 20 frimaire (11 décembre), déclara cesser tout rapport avec Carletti ; officiellement informé de l’incident, le grand-duc, qui ne voulait pas rompre avec la France, désapprouva Carletti et le remplaça par le prince Neri de Corsini.

Nous avons (chap. x) laissé le comte d’Artois dans l’île d’Yeu, très résolu à ne pas mettre le pied sur le continent ; afin de se soustraire à l’insistance de mauvais goût de ceux de ses partisans qui le poussaient à débarquer, il prit une détermination énergique et, le 18 novembre, fila secrètement vers l’Angleterre ; les troupes anglaises n’évacuèrent cependant l’île d’Yeu que le 26 frimaire an IV (17 décembre 1795). Cette expédition coûta 18 millions à l’Angleterre qui en avait déjà dépensé 28 pour celle de Quiberon (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. II, p. 72). La poltronnerie effrontée du comte d’Artois jeta le découragement dans les rangs des insurgés. Hoche qui, du 18 vendémiaire au 8 brumaire-10 au 30 octobre, avait reçu des renforts venus de l’armée des Pyrénées occidentales sous les ordres du général Willot, procédait méthodiquement au désarmement des paysans, faisant saisir, lorsqu’il se heurtait à leur mauvaise volonté, grains, bestiaux, charrues, qui n’étaient restitués que contre livraison des fusils, conciliant toutefois sur la question religieuse. Le 5 nivôse an IV (26 décembre 1795), il recevait le commandement en chef de l’armée des côtes de l’Océan formée par la réunion des trois armées de l’Ouest ; le général Bonnaud commandait provisoirement l’armée des côtes de Cherbourg, depuis la nomination d’Aubert du Bayet au ministère de la Guerre, et, le 21 frimaire (12 décembre), Hédouville avait été mis à la tête de l’armée des côtes de Brest.

Ne pouvant espérer tromper une seconde fois les républicains, Charette continua la lutte ; le 20 vendémiaire an IV (12 octobre 1795), dans le Pertuis breton, non loin de la Tranche, il recevait encore armes, munitions et or anglais (Chassin, idem, p. 97 et Bittard des Portes, Charette et la guerre de Vendée, p. 521). Slofflet, lui, essaya de rentrer en grâce ; il eut, près de, Cholet, le 21 frimaire (12 décembre), une entrevue avec Hoche qui, très confiant, ne se laissa néanmoins pas duper.

Aussi, lorsque Stofflet reçut du comte d’Artois, d’autant plus belliqueux qu’il était plus éloigné du théâtre de la guerre, l’ordre de reprendre les hostilités, il s’y conforma (6 pluviôse an IV-26 janvier 1796) ; mais son appel aux paysans resta sans effet. Après plus de revers que de succès, dans de petites opérations sans grande importance, il se rendit le 4 ventôse (23 février) à une réunion de chefs royalistes convoquée par l’abbé Bernier à la Saugre-