Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/319

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pour classer et préciser les différents délits qui peuvent être commis par l’abus de cette liberté, et pour indiquer les moyens qui peuvent être employés pour les réprimer ». Le 30 pluviôse (19 février) Roger Martin déclarait qu’il était « urgent de mettre des bornes » à la « licence » de la presse ; le 2 ventôse (21 février), Delaunay (d’Angers) réclamait « une loi prohibitive », et, le 23 (13 mars), le Conseil abordait la discussion ; il la clôtura le 29(19 mars) en passant à « l’ordre du jour sur toute proposition tendant à établir des mesures prohibitives de la liberté de la presse ». Nous venons de voir qu’en germinal (avril) il ne fit pas de mène.

Le comité secret n’en continua pas moins son œuvre ; il rédigea un « acte d’insurrection » dont l’apparition devait être le signal du mouvement, et constitua l’autorité chargée d’en appliquer les dispositions. Pensant que c’est à ceux qui ont travaillé à « la destruction de la tyrannie » que la nation « délègue nécessairement le droit de prendre les mesures provisoires indispensables », que c’est, par suite, à la minorité parisienne insurgée cette opinion devait devenir plus tard une des idées fondamentales de Blanqui qui connut, on le sait, Buonarroti — qu’appartenait le droit de pourvoir au remplacement du gouvernement par elle renversé, il décida de faire nommer, sur sa présentation, par le peuple de Paris insurgé, réuni à cet effet place de la Révolution, une assemblée nationale comprenant un démocrate par département. Dans une des listes dressées pour cette présentation par Babeuf (Copie des pièces saisies…, t. Ier, p. 71) et où se retrouvent les noms des principaux conjurés, je signalerai, pour la Seine-Inférieure, Pierre Dolivier, ancien curé de Mauchamps, à 12 kilomètres d’Étampes, dont il a été question précédemment (voir chap. xi § 4) et dont le nom se rencontre encore deux fois dans les papiers de Babeuf (Copie des pièces saisies…, t. Ier, p. 68 et 75), avec un exemplaire de son Essai sur la justice primitive.

Dans l’« acte d’insurrection », le comité secret, malgré les défauts qu’il trouvait à la Constitution de 1793, la considérant comme un « acheminement à un plus grand bien », c’est-à-dire rattachant lui-même son œuvre à l’œuvre démocratique précédemment accomplie qu’il voulait seulement pousser plus loin, réclamait cette constitution ; puis il indiquait des mesures de nature à rallier la masse : « des vivres de toute espèce seront portés au peuple sur les places publiques ;… les malheureux de toute la République seront immédiatement logés et meublés dans les maisons des conspirateurs ;… les effets appartenant au peuple, déposés au Mont-de-piété, seront sur-le-champ gratuitement rendus ;… tous les biens des émigrés, des conspirateurs et de tous les ennemis du peuple seront distribués sans délai aux défenseurs de la patrie et aux malheureux ». Cette distribution n’était que la réalisation des promesses faites et non encore tenues ; en en faisant un article de son programme, le comité s’adaptait aux faits ; le sens pratique l’emportait ici sur le système préconçu, et Buonarroti a beau s’évertuer à démontrer que cette