Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/345

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procurer à Scherer les secours jugés indispensables par celui-ci, comprenant, d’autre part, l’inconvénient de laisser inactive une armée en proie à la misère et à la maladie, le pressa de rouvrir la campagne (lettre du 2 pluviôse an IV-22 janvier 1796, Fabry, idem, t. II, p. 418) à une date où Scherer, au courant des intrigues de Bonaparte pour le supplanter (id., p. 403), se montrait plutôt disposé à résigner son commandement. La diminution des effectifs, dont on a pu se rendre compte par les chiffres donnés (chap. ix) pour thermidor an II et pour brumaire an IV, nécessita une réorganisation de l’armée qui, en vertu de l’arrêté du 18 nivôse an IV (8 janvier 1796), fut opérée en pluviôse et ventôse (février et mars) : dans l’infanterie, par exemple, le nombre des demi-brigades fut diminué par la fusion de plusieurs d’entre elles. Cette fusion laissait un excédent de sous-officiers et d’officiers ; aussi, à la suite de chaque demi-brigade et de chaque régiment de cavalerie fut constituée une compagnie auxiliaire formée des sous-officiers en excédent et commandée par trois des officiers placés en dehors des nouveaux cadres réglementaires. Ceux de ces officiers qui n’étaient pas admis dans ces compagnies, pouvaient rentrer dans leurs foyers, où ils restaient, d’ailleurs, à la disposition du ministre, en touchant le tiers ou la moitié de leur solde, selon qu’ils avaient dix ou quinze ans de services. Cette réserve d’officiers devait plus tard favoriser l’accroissement des forces militaires par Bonaparte. Au même moment, avait lieu une tentative d’arrangement avec le roi de Sardaigne ; elle n’aboutit pas, et il faut reconnaître que les exigences du Directoire étaient telles que le roi de Sardaigne n’avait aucun intérêt à traiter à ce prix. Le 19 ventôse an IV (9 mars 1796), le Directoire interdisait toute négociation avec lui.

L’empereur François II fut un moment très embarrassé. Malgré l’arrangement intervenu le 24 octobre, en Pologne, il se méfiait beaucoup de la Prusse, non sans raison : il avait vu, en effet, le roi de Prusse, prince de l’Empire, traiter seul avec la France (chap. ix) ; il devait bientôt le voir profiter de la situation difficile des pays d’Empire qui allaient continuer la guerre, pour tenter des annexions en Franconie, au moyen de chambres de réunion installées, sur le modèle de celles de Louis XIV, à Ansbach et à Baireuth, alors prussiens. Or, en même temps que, par méfiance de la Prusse, il immobilisait des forces sur la frontière prussienne, la crainte de la défection du roi de Sardaigne, avec lequel l’entente laissait à désirer, surtout depuis la défaite de Loano, le poussait à renforcer son armée d’Italie ; d’autre part, il était en discussion avec l’Angleterre au sujet du secours financier promis par celle-ci ; aussi menaçait-il, si ce secours ne lui était pas donné, de retirer ses troupes du Rhin pour ne continuer la guerre qu’en Italie. Les difficultés ayant été aplanies avec l’Angleterre, l’empereur s’engagea à ne pas diminuer son armée du Rhin, où, le 6 février, son frère, l’archiduc Charles, était nommé à la place de Clerfayt. Pour renforcer celle d’Italie, il fut avisé que