Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le roi de Naples se décidait à lui envoyer le corps auxiliaire qu’il s’était depuis longtemps engagé à fournir ; mais ce corps ne pouvait rejoindre qu’en passant par la Toscane, ce que le grand-duc refusa d’autoriser, et l’empereur n’insista pas, ne voulant pas compromettre ce dernier.

Avant la conclusion de l’armistice avec l’Autriche sur le Rhin, Pichegru, dont on était mécontent, apprit qu’il était menacé de destitution — il écrivait dès le 23 frimaire (14 décembre) à Moreau (Ernest Daudet, Conjuration de Pichegru, p. 192) : « Je ne l’ai pas encore, mais je suis prévenu qu’elle ne peut me manquer. Peut-être seulement y mettra-t-on des formes ». — Aussi donnait-il sa démission, qui était acceptée le 25 ventôse (15 mars). Le Directoire lui offrit, le 14 germinal (3 avril), l’ambassade de Suède, qu’il refusa. Il était remplacé, dans le commandement de l’armée de Rhin-et-Moselle, par Moreau qui avait lui-même pour successeur, à la tête de l’armée du Nord cantonnée en Hollande, l’ancien ministre de la guerre Beurnonville ; l’armée de Sambre-et-Meuse conservait son général en chef Jourdan ; le commandement de l’armée d’Italie avait été donné à Bonaparte. Des tentatives de négociations pour la paix avaient été faites, à la fin de la Convention (vendémiaire an IV-octobre 1795), et au début du Directoire (nivôse an IV-décembre 1795), par l’ancien marquis de Poterat auprès du gouvernement impérial de Vienne. Celui-ci ayant décliné les propositions d’arrangement, d’abord parce qu’il ne voulait pas traiter en dehors de l’Angleterre, ensuite parce qu’on ne lui offrait rien qu’il ne pût obtenir sans l’appui de la France, le Directoire décida de rentrer en campagne, dès le printemps, avec plus d’activité que jamais et ordonna, d’après un plan de Carnot, l’invasion de l’Allemagne et de la Haute-Italie et la marche sur Vienne par les vallées du Mein, du Danube et du Pô. La défense nationale n’était plus en jeu ; on prenait l’offensive, parce que la guerre devenait une affaire non seulement politique, mais encore financière ; dans toutes les opérations militaires ou diplomatiques, l’argent va désormais jouer un rôle prépondérant. Conquêtes et rapines, tel est maintenant le but poursuivi, à la fois pour en tirer un bénéfice direct et pour conserver l’appui usuraire des fournisseurs. L’armistice avec l’Autriche fut dénoncé le 1er prairial an IV (20 mai 1796), de façon à reprendre les hostilités le 12 (31 mai) ; Jourdan et Moreau devaient franchir le Rhin, le premier à Düsseldorf, le second près de Strasbourg. Le généralissime des troupes impériales était, à partir du 18 juin, date du départ de Wurmser pour l’Italie l’archiduc Charles qui avait pour lieutenants La Tour et Wartensleben.

Suivant les indications reçues, Kleber, qui commandait l’aile gauche de l’armée de Sambre-et-Meuse, était, dès le 13 prairial (1er juin), sur la rive droite du Rhin où il battait l’ennemi, notamment à Altenkirchen (16 prairial-4 juin). À son tour, Jourdan franchissait le fleuve à Neuwied. Mais, attaqué à Wetzlar par l’archiduc, il fut vaincu (27 prairial-15 juin), dut battre en retraite et revenir sur la rive gauche. Par cette opération manquée, Jourdan, en at-