Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/351

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guerre de montagnes, plus on y découvre une étroite analogie avec les procédés de Bonaparte et notamment avec ceux qu’il a employés en 1794 et 1796 » (l’Éducation militaire de Napoléon, p. 95), et, plus loin (p. 142), il conclut que Bonaparte « s’est formé à l’école de du Teil, de Guibert et de Bourcet ». On est donc d’accord pour condamner et la thèse du Bonaparte tirant tout de lui-même et les partisans de cette thèse, ces officiers supérieurs auxquels a fait allusion le général Pierron, lorsqu’il a flétri « la paresse d’esprit ou l’impudence d’ambitieux ignorants qui se disent qu’après tout ils trouveront peut-être, au moment voulu, l’inspiration soi-disant suffisante pour diriger d’une main sûre les mouvements compliquées de masses d’un million d’hommes ».

Quant à la façon de procéder caractéristique de Bonaparte, il l’exposa lui-même à son retour d’Égypte, dans une conversation avec Moreau rapportée par Gohier dans ses Mémoires (t. Ier, p. 204). À son avis, « c’est toujours le grand nombre qui bat le petit » ; Gohier objectant que, avec de petites armées, il en avait battu de plus considérables, « dans ce cas-là même, répliqua-t-il, c’était toujours le petit nombre qui était battu par le grand » et il ajouta : « Lorsque, avec de moindres forces, j’étais en présence d’une grande armée, groupant avec rapidité la mienne, je tombais comme la foudre sur l’une de ses ailes et je la culbutais. Je profitais ensuite du désordre que cette manœuvre ne manquait jamais de mettre dans l’armée ennemie, pour l’attaquer dans une autre partie, toujours avec toutes mes forces. Je la battais ainsi en détail ; et la Victoire qui en était le résultat, était toujours, comme vous le voyez, le triomphe du grand nombre sur le petit ».

À la fin de mars, le commandement de l’armée impériale avait été pris par le vieux général Beaulieu ; cette armée, dont l’aile droite était sous les ordres d’Argenteau, se trouvait échelonnée de Dego à Voltri. Le général piémontais Colli couvrait Coni et Ceva. Le corps autrichien auxiliaire de Provera gardait Cairo et Millesimo, et, subordonné à Colli, servait de trait d’union entre les troupes de celui-ci et le corps d’Argenteau. Un corps piémontais, commandé par le prince de Garignan, surveillait tous les passages des Alpes. À la suite de mouvements de divisions françaises ayant pour-but d’amener Beaulieu à démunir son centre, afin de pénétrer entre les Autrichiens et les Piémontais et de les battre séparément, celui-ci qui, le 22 germinal (11 avril), était à Voltri d’où les Français avaient été expulsés la veille, donnait des ordres pour les chasser de Savone. Mais, grâce à la vaillante défense de Fornésy (Bouvier, Bonaparte en Italie, 1796, p. 229-230), le 22 germinal (11 avril), à Monte-Negino, position au-dessus de Savone, et à l’arrivée, le 23 (12 avril), de renforts, Argenteau était défait ce jour-là à Montenotte. Le lendemain, Provera était battu à Millesimo et, le 25 (14 avril), il était, avec ses troupes, réduit à se rendre ; ce même jour, les Autrichiens éprouvaient à Dego une nouvelle défaite après laquelle les excès de toute sorte des Français (Idem, p. 305) leur