Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/364

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jusqu’à la paix générale, prononcée contre les émigrés et leurs parents par les six premiers articles de la loi du 3 brumaire an IV (fin du chap. x), à tous les amnistiés du 4 brumaire, c’est-à-dire qu’étaient frappés, en sus des vendémiairistes, pour lesquels il n’y avait de la sorte rien de changé, tous les patriotes que l’amnistie avait libérés ; l’étaient également les chefs vendéens ou chouans et les anciens Conventionnels montagnards « décrétés d’accusation ou d’arrestation », que le décret du 5 fructidor an III (22 août 1705) avait seulement déclarés inéligibles au Corps législatif ; l’art. 6 abrogeait, à l’exception des six premiers, tous les articles de la loi du 3 brumaire an IV concernant, notamment, l’exécution des lois de 1792 et de 1793 contre les prêtres réfractaires. Les royalistes n’obtenaient pas tout ce qu’ils désiraient ; en revanche, on frappait les victimes de Germinal et de Prairial, ce qui était une étrange façon de contrebalancer la faiblesse dont bénéficiaient, après Vaublanc, les antirépublicains de Vendémiaire.

En approchant de l’époque du renouvellement partiel du Corps législatif, fixé par la Constitution au mois de germinal an V (mars-avril 1797), le Directoire ressentit cependant des inquiétudes que les républicains sincères et perspicaces éprouvaient depuis longtemps. Ainsi Hoche, écrivant le 28 fructidor an IV (14 septembre 1796) aux directeurs pour leur signaler une manœuvre, dont il sera parlé dans le chapitre suivant, du royaliste Louis de Frotté, ajoutait (Les Pacifications de l’Ouest, de Chassin, I. II, p. 605) : « Trop de vos amis vous ont abandonnés ; ouvrez les yeux, n’attendez pas que le reste se livre au désespoir et se perde en voulant sauver illégalement la République ébranlée jusque dans ses fondements. Que viendra-t-on parler de terroristes ? Où sont-ils ? Où est leur armée ? Celle des chouans est partout ». Par ses complaisances, par sa complicité, le Directoire avait fortifié le parti dont maintenant il commençait à redouter la force. Il ne vit de remède — et son exemple devait par la suite trouver d’innombrables imitateurs — que dans une loi contre la presse ; un message du 9 brumaire an V (30 octobre 1796) demanda aux Cinq-Cents de voter des mesures répressives. On avait eu raison des principaux journaux avancés par l’arrestation de leurs rédacteurs plus ou moins impliqués dans des poursuites dont le procès de Babeuf avait été le signal ; c’était, dès lors, contre les excès des feuilles royalistes qu’était surtout réclamée une nouvelle loi. Aussi, députés modérés et royalistes, qui n’avaient jamais protesté au nom des principes lorsqu’on frappait les républicains avancés, se posèrent en partisans farouches de la liberté, de leur liberté, car nous aurons l’occasion de voir tout à l’heure comment les royalistes la comprenaient pour leurs adversaires. Tout cela n’aboutit qu’à des tentatives de surélévation du port des journaux qui échouèrent, et à la loi du 5 nivôse an V (25 décembre 1796) défendant d’annoncer publiquement les journaux et les actes des autorités autrement que par leur titre. Une autre proposition de loi fut bien votée en cette matière par les Cinq-Cents, le